C’est l’histoire d’une dame de 80 ans, qui vit toute seule à la campagne. Son mari est mort il y a... longtemps ; ils s’étaient un peu aimés puis beaucoup disputés.
Mais elle ne se résout pas à rester veuve. Alors, elle s’achète un ordinateur et s’inscrit sur des sites de rencontre pour personnes de son âge. Et un jour elle tombe sur un monsieur de 90 ans, veuf lui aussi.
C’est le coup de foudre : ils font connaissance, ils se découvrent, deviennent complices, se promènent, chantent tous les deux des chansons de leur jeunesse ; ils s’attachent...
Leurs relations ne sont pas toujours faciles, il y a des disputes, des portes claquées, et toujours, à la fin, des réconciliations. Malgré leur âge, ils sont comme des adolescents, remués et bousculés par des émotions qu’ils avaient oubliées, qu’ils ne comprennent pas toujours, qu’ils ne contrôlent pas toujours.
Mais toujours le cœur battant, à chaque fois qu’ils se retrouvent, et leur histoire d’amour est comme un dernier arc-en-ciel dans leurs vies....
Ils savent bien qu’ils sont âgés, et que l’avenir ne leur appartient plus tout à fait. Mais ils savourent toutes ces fleurs qui déboulent dans leur quotidien, après tant de claques reçues... Ils savourent d’autant plus qu’ils sont loin l’un de l’autre : elle habite à Toulouse, il habite à Nantes.
Ils doivent, pour se voir, prendre des trains, subir de longs trajets, qui les épuisent. Ils parlent parfois de vivre ensemble, mais ils sont trop enracinés dans leurs écosystèmes : leurs maisons, leurs chiens, leurs chats, leurs voisins, les oiseaux de leurs jardins... Alors ils se téléphonent beaucoup.
Un jour, la dame ne répond plus, ni au téléphone ni aux lettres envoyées, pendant des jours et des semaines. Et le monsieur apprend que sa bien-aimée est morte. Bouleversé, il meurt, lui aussi, un an après.
On retrouvera, chez elle et chez lui, des poèmes d’amour qu’il lui écrivait, drôles et légers, habités par l’enfance et la grâce. Un de ces poèmes, qui parle de leur amour et de la distance qui les séparaient, sera lu à l’enterrement du monsieur. Et tout le monde se mettra à pleurer, parce que c’est beau et triste à la fois, ces histoires d’amour empêchées, même à 90 ans.
Aimer, c’est s’attacher. On s’attache parfois par nécessité, par fragilité ; mais quand l’attachement est heureux et réciproque, on y gagne en liberté et en joie d’exister.
Aristote enseigne qu’« Aimer, c’est se réjouir ». Spinoza ajoute que « L’amour est une joie qu’accompagne une cause extérieure ». Et voilà l’équation : Aristote + Spinoza = « Aimer, c’est se réjouir que l’autre existe ».
Vous pouvez l’apprendre par cœur, elle vous servira toute votre vie...
Illustration : le balcon de la maison de Juliette, à Vérone, sous lequel Roméo venait, peut-être, soupirer et lui envoyer des baisers...
PS : cet article est inspiré de ma chronique du 25 août 2020, dans l'émission Grand Bien Vous Fasse, d'Ali Rebeihi, sur France Inter.