lundi 19 décembre 2011
Un beau nuage
Une internaute (merci Marie-Alice) m'a envoyé ce nuage de mots, composé avec un petit logiciel qui permet de produire, à partir d'un texte donné, les mots y revenant le plus souvent.
Les mots de l'illustration sont ceux du blog durant le mois de décembre. En grossissant l'image (il suffit de cliquer dessus), nous pouvons y retrouver les occurences les plus fréquentes dans PsychoActif. Il me semble que c'est une peinture assez ressemblante de l'ambiance qui règne dans les billets.
Je vous laisse regarder cela de plus près (du moins si ça vous intéresse !) et je vous souhaite de belles fêtes de fin d'année : PsychoActif part en vacances, et nous nous retrouverons, je l'espère, en janvier 2012.
Portez-vous bien.
vendredi 16 décembre 2011
Hier, ça m’est arrivé
Ça faisait un moment que je m’y attendais, je me demandais quand ça allait m’arriver en vrai, pendant une consultation. Voilà, ça y est ! C'est arrivé !
Un de mes patients a répondu à un appel sur son téléphone portable, pendant un premier entretien dans mon bureau de Sainte-Anne.
Depuis quelques années, j’avais bien repéré que les étudiants, pendant les cours, ne se sentaient plus du tout gênés de recevoir ou d’envoyer des SMS, s’étonnant sincèrement que je m’arrête de parler et reste debout face à eux en silence pour montrer ma désapprobation lorsqu’ils le faisaient.
J’avais bien noté aussi que lors de conférences, un certain nombre de personnes n’hésitaient pas à décrocher et à répondre pendant que je parlais, en se penchant et à voix basse, certes, mais quand même, assez tranquilles.
Et là, voilà que ce patient, très sympa au demeurant, et ayant fait preuve jusque là de « bonnes manières », comme on disait autrefois, entend son portable sonner, me dit « excusez-moi », décroche calmement et explique à son interlocuteur que non, là il ne peut pas, parce qu’il est chez un médecin, mais que oui, tout à l’heure ce sera OK, non, pas avant midi car il a d’autres trucs, oui, voilà, vers 13 heures, ce sera parfait, oui, oui, 13 heures, c’est ça, comment ? non, non, tout va bien, rien de grave, non, non, la santé est bonne, ne t’inquiète pas, OK, allez, ciao, la bise, à tout à l’heure…
Je suis fasciné par le spectacle de son calme et son absence totale de gêne : il ne me regarde plus, je n’existe plus, la consultation est suspendue pour quelques instants. Pas bien longtemps, effectivement, moins d’une minute, pas grand-chose. Mais ça fait drôle. Comme toutes les premières fois qu'un truc vraiment inhabituel nous arrive.
Quand il raccroche, il me dit : « excusez-moi ; j’en étais où ? » et reprend tranquillement.
Je lui demande tout de même : « vous faites souvent ça, de décrocher pendant un entretien avec quelqu’un d’autre ? »
Et à ce moment, je vois à son regard qu’il réalise que ça m’a plutôt étonné et dérangé. Il s’excuse à nouveau, et même, en signe de respect et de contrition, me dit : « vous avez raison, je vais le mettre en silencieux. » Apparemment, il n’attendait pas d’appel urgent, mais fonctionne ainsi de manière habituelle ; pour lui, une consultation médicale n’a rien d’exceptionnel, alors on peut y téléphoner tranquillement.
Nous passons à autre chose, mais c’est pour moi un grand moment : je fonctionne sur un mode exactement inverse. Je suis convaincu qu’il y a des moments dans la vie où on ne sacrifie pas les vrais échanges avec de vrais humains aux communications téléphoniques : pendant les repas avec famille ou amis, quand on joue avec ses enfants, quand on marche dans la nature, quand on est chez le médecin…
Mais ce sont apparemment des codes dépassés, et sans doute liés à mon âge. Je vais continuer de mon mieux à entraver ces comportements autour de moi, mais à mon avis, c’est déjà perdu.
Ces dépendances digitales ne me mettent même pas en colère, ni ne me scandalisent. Je ressens juste de la perplexité et un peu d’inquiétude.
À quoi ressembleront les consultations médicales dans 10 ans ?
Illustration : la publicité "Aujourd'hui je l'ai fait", qui m'avait bien fait rire à l'époque...
PS : du coup, je me suis bien sûr posé la question pour moi-même ; globalement, je ne réponds jamais ou rarissimement à mon portable pendant un entretien ; par contre, je répond à la ligne qui me relie aux infirmières, en cas de problème urgent : mais je n'aime pas, et si un patient a "subi" 2 coups de fils, je décroche la ligne (en cas de vraie urgence, je sais que les infirmières viendront toquer à ma porte).
mercredi 14 décembre 2011
Divorce médical
Une de mes collègues, médecin généraliste, me racontait l’autre jour cette petite histoire.
C’était avec un de ses patients au caractère difficile, rouspétant souvent, n’écoutant pas assez ses recommandations d’hygiène de vie.
Un jour, agacée ou même exaspérée, elle lui propose (en s'efforçant de le dire aussi calmement que possible) une séparation : «Écoutez, nous avons souvent du mal à nous entendre, si vous voulez, vous pouvez essayer un autre médecin…»
Le patient s’arrête de râler, interloqué. Il garde le silence un instant. Puis, calmé par l’imminence d’une séparation, il répond : «Non docteur, je ne veux pas divorcer !»
Et ils éclatent de rire tous les deux.
Elle me disait que, depuis ce jour, il s'était mis à faire davantage d’efforts au sein de son «couple» médical. Étrange, ce besoin que nous avons parfois besoin de nous faire remonter les bretelles pour procéder à de petits ajustements dans nos vies...
Illustration : un médecin de jadis se rendant au chevet d'un patient malade de la peste (avec la baguette pour le palper sans le toucher, et le masque pour ne pas respirer ce qu'on nommait ses "miasmes"). C'était déjà mieux que ne pas y aller du tout...
lundi 12 décembre 2011
Mantras pour le soin de soi
Un dimanche matin où je m'étais réveillé un peu trop tôt, le cerveau inquiet souffrant sous l’assaut des pensées autour de toutes les « choses à faire » dans mon travail et à la maison, je me suis mis à respirer doucement, dans un double mouvement de lâcher prise et d'auto-compassion.
Deux ou trois phrases simples me servaient de bouées de sauvetage pour éviter la noyade dans les ruminations. Deux ou trois petits mantras pour le soin de soi.
Il y avait : "Commence par respirer, puis tu verras après", pour me soulager dans l'immédiat.
Ensuite : "Fais de ton mieux, et n’oublie pas d’être heureux" pour me rappeler les priorités existentielles.
Simple. Et sans garantie d'efficacité. Mais toujours mieux que lâcher la bride à l'anxiété.
Ce matin-là, ça a plutôt marché.
Je me suis rendormi un moment. Lorsque je me suis réveillé, le pic d'anxiété était passé. J'arrivais à contempler la masse des choses à faire (toujours là bien sûr, pas du tout balayées par ma respiration !) avec une inquiétude bien atténuée. Je me suis levé doucement avant tout le monde, pour méditer en pleine conscience.
Puis ma journée a commencé au calme, sans que personne autour de moi ne réalise un instant tout le boulot de nettoyage de mon cerveau auquel j'avais procédé. Enfin, il me semble...
PS 1 : le terme mantra, qui désigne une phrase mentale protectrice, vient du sanscrit manas qui signifie « esprit », et de tra, qui veut dire « protection » : un mantra est ainsi une formule destinée à la protection de notre esprit.
PS 2 : bien sûr, ces mantras marchent mieux s'ils ont été précédés d’un entraînement, dans un cadre de pleine conscience ou de psychologie positive. Ils nous servent alors d'amorce pour rappeler tous les bons réflexes travaillés et éprouvés auparavant, dans des moments plus favorables.
Illustration : le Bouddha d'Odilon Redon.
mercredi 7 décembre 2011
Perdre connaissance
« Il ne faut pas comprendre, il faut perdre connaissance. »
Paul Claudel, dans Partage de midi.
Illustration : la gare de New York en 1940.
lundi 5 décembre 2011
Amour et pleine conscience
L’autre jour, une de mes patientes méditantes arrive à sa consultation, et me dit : « Nous allons prendre quelques minutes de pleine conscience avant que je ne vous raconte ce qui m’est arrivé cette semaine ! »
Je me demande bien ce qui lui est arrivé ; à voir son visage et sa manière de me parler, je suppose qu’il s’agit plutôt de bonnes choses. Mais en tout cas, je suis ravi de cette manière de bousculer nos habitudes, et de l’occasion de savourer l’instant présent avant de nous mettre à réfléchir et travailler ensemble.
Nous sommes donc là, tous deux face-à-face et silencieux, les yeux clos, à nous centrer sur notre souffle, notre corps, à accueillir les sons, à observer ce qui va et vient en nous. Intéressant et troublant, comme toujours.
Après quelques minutes, elle interrompt notre petite séquence, et m’annonce : « Voilà, je suis heureuse. Et amoureuse. »
Et la séance se passe autour de cela. La rencontre avec son nouvel ami, comment elle l’a vécu, ses craintes (ne pas être à la hauteur, se révéler, commencer à s’engager, mais jusqu’où, etc.).
Double saveur : travailler avec elle sur un moment de vie heureux (mais déstabilisant chez elle, pour des tas de raisons propres à son histoire, car elle revient de très loin) et le faire après ce petit amorçage de pleine conscience, qui a affuté et intensifié mon écoute.
Et après son départ, je remets ça, puisque je suis lancé : avant le patient suivant, je prends quelques minutes à savourer et me réjouir pour elle.
Il y a des jours où notre boulot de psychothérapeute est ainsi, simple et agréable…
Illustration : une photo d'Henri Zerdoun, qui parle à la fois de l'état amoureux et de la pleine conscience.
vendredi 2 décembre 2011
Une pause, une vraie
C’est important de faire des pauses lorsqu’on travaille. Notre esprit a besoin de repos, tout comme notre corps.
Donc, après avoir rédigé un rapport, participé à une réunion, fait un exposé, vu un patient, il est important de s’accorder quelques minutes de pause avant de passer à la tâche suivante.
Mais il y a pause et pause.
Si dans ces instants de respiration de notre esprit, nous sautons sur notre téléphone, nous surfons sur Internet, nous regardons notre page Facebook, nous envoyons un SMS ou même nous lisons quelques pages d’une revue, nous n’avons pas fait de pause.
Nous sommes juste passés d’une activité à une autre.
D’une activité obligatoire, qu’on nomme « travailler », à une activité choisie, qu’on nomme « se détendre ».
Mais on ne se détend pas, en surfant sur Internet ou en téléphonant. On fatigue juste son cerveau autrement.
Faire une pause, une vraie pause, pour récupérer, savourer, ne plus «faire» mais «être», ce n’est pas du tout ça.
C’est s’étirer doucement, sentir son corps. C’est prendre quelques minutes pour aller marcher, dehors ou dans un couloir, en respirant doucement, en sentant sa marche se dérouler d’elle-même. C’est regarder le ciel et les nuages sans parler.
Cela, c’est vraiment se reposer, et se faire du bien.
Tout le reste, c’est juste une autre façon de s’activer…
Illustration : rapace prenant une pause, par Frédéric Richet.
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