vendredi 16 avril 2010

Au revoir, les fleurs


À l’automne, les feuilles mortes tombent des arbres, et cela nous rend un peu tristes et mélancoliques : leur mort annonce la venue du froid de l’hiver, et le raccourcissement des jours.
Mais au printemps, il y a aussi la mort des fleurs de ces mêmes arbres. Elle est plus discrète à nos esprits, car elle ne sera pas suivie du froid et du gris hivernal, mais annonce les beaux jours. Alors les fleurs mortes nous touchent moins que les feuilles mortes, nous les oublions plus vite.

L’autre matin, en partant de chez moi, une bourrasque de vent à emporté une nuée de petites fleurs du Prunus sous lequel je passais. C’était beau comme tout, mais aussi doucement émouvant, ces centaines de petits pétales roses me tombant dessus et s’éparpillant alentour, détachés de leurs branches, séparés les uns des autres.

Ça me faisait penser à la fin de l’enfance : on ne s’attriste pas (enfin, moi un peu, quand même…) de ce moment où l’enfant devient adolescent. Ce n’est pas une fin, mais une transformation, on ne va pas vers du déclin mais vers de la croissance (bizarre comme ce mot a été annexé par l’économie, dur de l’utiliser dans autre un contexte…).
De même, les fleurs qui laissent la place aux fruits, ça devrait être joyeux. Et ça l’est, finalement. Mais il y a eu tout de même un petit passage sous l’aile du deuil, de la tristesse, une bouffée de spleen doux et tolérable. Discret, parfois inaperçu.

Il y a une perte de grâce, dans ce passage de la fleur au fruit. Et tout en nous réjouissant des beaux jours à venir, nous continuons d’en héberger la nostalgie.

Bon, je dis ça, mais un de ces prochains matins, dès qu’il y va faire beau et doux, je sais exactement ce qui va se passer : je vais sourire, respirer bien fort et me dire : « quelle chance d’être là ! »

PS : PsychoActif s'interrompt deux semaines à l'occasion des vacances scolaires parisiennes. On se retrouve le lundi 3 mai. Prenez bien soin de vous. Et chérissez les fleurs, les fruits, et la vie...

jeudi 15 avril 2010

Surchauffe cérébrale ?


Un mail envoyé par mon cousin Gilles à propos d’une tranche de vie à laquelle il a assisté :

« Dans le TGV la semaine dernière, en haut, dans les sièges en carrés. 
Je suis installé pour travailler.
Un jeune étudiant s'installe juste en face de moi. Il écoute de la 
musique dans son casque, et sort son livre de maths pour réviser. Après 5 minutes, il sort un Rubik’s Cube (mélangé). De sa main 
droite, il le réalise en moins d'une minute, le livre de maths toujours dans la main gauche ; il le re-mélange, 
et le re-réalise 5 ou 6 fois. À chaque fois en une minute (il est au 
moins champion des Yvelines).
Cela ne l'empêche pas de réviser ses maths.


Puis il reçoit un appel téléphonique, car bien sûr, son i-phone fait 
les 2 : musique et téléphone. Tout en répondant à son ami, il 
réalise à nouveau 2 fois le Rubik’s Cube. Et poursuit la lecture de son bouquin 
de maths.


Avec mon voisin de gauche, on regarde ça, hallucinés. Moi qui 
n'arrive pas à ranger une paire de chaussette tout en répondant à une 
question de ma femme…


Bienvenue à la génération multi-tâches !
 »

En le lisant, les deux premières questions qui me sont venues à l’esprit furent : 1) j’aurais bien aimé savoir sa note en maths au contrôle suivant ; 2) est-ce qu’il arrive à bien s’endormir le soir, avec un cerveau en pareille surchauffe ?
Mais en racontant l’histoire à mes filles, j’ai vu que c’était des questions de vieux : rien dans cette histoire ne les étonnait. À part, tout de même, la vitesse de résolution du Rubik’s Cube...

mercredi 14 avril 2010

Blague fraîche

Une blague de ma plus jeune fille, de ces blagues d’enfants toutes fraîches et sans arrière-pensées :
« - Papa, tu sais comment communiquent les abeilles ?
- Ben, euh, par une sorte de danse des signes, non ?
- Pas du tout : les abeilles communiquent par e-miel ! »

mardi 13 avril 2010

L’enfer c’est les autres


On connaît bien la célèbre formule de Sartre, dans sa pièce de théâtre Huis clos. Je suis tombé l’autre jour, je ne sais pourquoi ni comment, sur ce passage d'un entretien où il commente son choix. Intéressant et intelligent :

“Mais « l'enfer c'est les autres » a été toujours mal compris. On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c'était toujours des rapports infernaux. Or, c'est tout autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre ne peut être que l'enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné, de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Quoi que je sente de moi, le jugement d'autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d'autrui et alors, en effet, je suis en enfer. Et il existe une quantité de gens dans le monde qui sont en enfer parce qu’ils dépendent trop du jugement d'autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu'on ne puisse avoir d'autres rapports avec les autres, ça marque simplement l'importance capitale de tous les autres pour chacun de nous.“

Le problème (« l’enfer ») ce n’est pas tant les autres que la place que nous leur accordons parfois en nous…

lundi 12 avril 2010

Ceinture de sécurité


Un clip TV magnifique sur le port de la ceinture de sécurité...
Il commence mièvre et bizarre, dans une ambiance onirique, anormale ; puis, il tourne sobrement au tragique. Et atterrit en douceur en nous laissant un peu perplexes et hébétés.
J’aime, finalement, et au moins de temps en temps, ce qui nous piège puis nous dérange...

Merci à Catherine qui me l’a fait découvrir.

vendredi 9 avril 2010

Simone Weil


Je suis en train de relire La Pesanteur et la grâce, de Simone Weil.
Dans sa belle préface, le philosophe Gustave Thibon rappelle comment elle n’était pas facile à vivre, très exigeante et idéaliste. Mais, également et évidemment, géniale à lire, dans son absolutisme. Les grands esprits sont souvent ainsi : difficiles à vivre et étourdissants à lire.
Thibon rappelle comment Simone Weil pensait ainsi que le choix est « une notion de bas niveau » : « Il faut être indifférent au bien et au mal, mais vraiment indifférent, c’est-à-dire projeter également sur l’un et sur l’autre la lumière de l’attention. Alors, le bien l’emporte par un phénomène automatique. »
Puis, Thibon nous éclaire : « Tant que je balance entre faire et ne pas faire une mauvaise action (par exemple, posséder ou non cette femme qui s’offre à moi, trahir ou non cet ami), même si je choisis le bien, je ne m’élève guère au-dessus du mal que je repousse. Pour que ma “bonne“ action soit vraiment pure, il faut que je domine cette oscillation misérable et que le bien que j’accomplis au-dehors soit la traduction exacte de ma nécessité intérieure. »
Pas commode, hein ? Mais en attendant d’être capables de faire, parfois, de « pures » bonnes actions, nous pouvons déjà en proposer des impures, de bonnes actions. Les personnes qui en bénéficieront ne seront peut-être pas si regardantes sur leur pureté…
Pour autant, ce qu’écrit Simone Weil est vraiment intéressant en termes de travail personnel (même si pour moi, une bonne action commise "malgré" la présence de motivations peu avouables ou embarrassantes est presque plus admirable).
Et puis cela représente aussi une profonde et douloureuse piqûre de rappel en matière d’humilité sur nos bonnes actions...

jeudi 8 avril 2010

Larmes et larmes


L'autre jour à Sainte-Anne, lors de la matinée consacrée à recevoir les nouveaux patients. Je suis en compagnie d'une étudiante en dernière année de psychologie, qui participe aux entretiens. Vers 13 heures, nous bavardons des personnes que nous avons reçues et essayé d'aider ; deux d'entre elles ont pleuré à plusieurs reprises durant l'entretien. Et l'étudiante me fait cette remarque :
" Ce n'étaient pas les mêmes larmes. La première pleurait de douleur et de tristesse, la seconde d'impuissance et de colère."
C'est très bien vu. Tous nos pleurs n'ont pas les mêmes sources et ne disent pas la même chose. Je ne m'étais pas concentré sur ces différences dans la nature des larmes, mais en revoyant les visages des patientes à ce moment, je retrouve exactement ce qu'a noté l'étudiante. Qui va sûrement devenir une très bonne psychologue...

Illustration : "Happy hours", de Jean Lecointre.

mercredi 7 avril 2010

Jules et sa maman

Jules Renard avait eu du mal avec sa mère, qui apparemment n’était guère facile à aimer. Il en parle souvent dans son Journal. Notant par exemple : « De ma mère, j’ai tous les défauts, neutralisés. »
Cette notion de « défaut neutralisé » est une jolie trouvaille : ces tendances négatives présentes en nous, mais dont nous arrivons à les contenir, à les tenir à distance, nous en faisons toutes et tous l’expérience au quotidien, non ?

mardi 6 avril 2010

La compagnie des oiseaux


Lorsque nous avons changé d’heure, la semaine dernière, c’était un peu triste de se réveiller dans l’obscurité. Mais il y avait un oiseau qui chantait, content quand même. C’est évidemment lui qui avait raison, je ne vais pas vous faire un dessin : mieux vaut s’éveiller que dormir pour toujours, mieux vaut se sentir triste que ne plus exister...
Mais c’est drôle comment son petit chant énergique et joyeux m’a réconforté. Comment il m’a fait me sentir moins triste, et moins seul face à la tristesse dans le petit matin.
Juste parce que je l’ai vraiment écouté.

Illustration : un petit oiseau sympathique de Grégoire Solotareff.

vendredi 2 avril 2010

Faire pipi


C’est lors d’un débat public (avec Pascal Bruckner, lors d’un Forum Libération à Rennes, sur le bonheur). Une jeune femme me pose la question de la différence entre plaisir et bonheur. Je ne sais pas pourquoi (c’est bizarre ces idées qui viennent à l’esprit en réflexe, sous la pression des regards, de l’urgence, de l’excitation) je parle de faire pipi :
« Lorsqu’on a très envie de faire pipi, c’est incontestablement un plaisir de pouvoir le faire. Mais pas forcément un bonheur. Le plaisir est ainsi plus nécessaire, plus organique, plus bref. Mais il n’empêche pas le bonheur. Par contre, ce dernier nécessitera un acte de conscience : réaliser qu’on a de la chance d’avoir un corps qui marche bien et nous permette de faire pipi. Alors, cela commencera à prendre un petit goût de bonheur… »
Puis, je continue mes explications sur la lancée, rassuré de voir que ma comparaison urinaire ne choque pas le public (au contraire).
Après la conférence, il y a une séance de dédicaces, et parmi tous les petits bavardages qu’elle permet avec mes lectrices et lecteurs, il y a - comme presque toujours – un grand moment : une dame me reparle de l’histoire du pipi.
« J’ai été très interpellée par votre histoire du petit pipi, vous savez pourquoi ? À la suite d’une insuffisance rénale, j’ai été en dialyse pendant des années. Vous êtes médecin, vous savez ce que c’est. Et le jour où j’ai pu bénéficier d’une greffe de rein, j’ai recommencé à faire pipi normalement. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point j’en étais heureuse ! Moi, j’ai adoré votre exemple ! »
Et moi j’ai adoré qu’elle vienne me raconter cette petite histoire. Je l’ai un peu questionnée : plus de 10 ans qu’elle vit sans problèmes avec ses nouveaux reins. Je lui souhaité tout plein de pipis heureux pour les années à venir…

Illustration : un livre drôle et bien documenté sur toutes les sortes de toilettes qui existent de par ce vaste monde...

jeudi 1 avril 2010

Poisson d’avril


C’est un papa poisson qui flotte sur le dos, dans son bocal, avec un petit sourire en coin.
Au fond du bocal, à côté de deux enfants poissons à l'air inquiet, la maman le gronde : « Arrête tes blagues idiotes ! Tu sais bien que les enfants ont très peur du dos crawlé ! »