mardi 28 août 2018

Junk-food, humains et goélands



Ça se passe sur un front de mer, en Bretagne. Comme chaque été, les goélands tournent autour des touristes pour solliciter de la nourriture, ramassent et avalent tout ce qui tombe au sol des miettes humaines, et fouillent les poubelles pour manger nos déchets alimentaires. Du coup, je me pose des tas de questions, autant sur les goélands que sur les humains.

Les goélands, d’abord : je me demande pourquoi ils s’intéressent à la junk food, laissée ou lancée par les vacanciers ? C’est tellement moins bon pour leur santé que les coquillages, les poissons ou les algues ! Mais ils sont simplement aussi tentés que les humains par la facilité ; les humains qui, au lieu de se faire une bonne soupe, ouvrent un paquet de chips toxiques, en emballage non biodégradable.

Les mammifères sont très faciles à rendre dépendants à tout ce qui est salé, sucré ou saturé par des additifs exhausteurs de goût. Des travaux bien connus ont ainsi montré que des rats de laboratoire à qui on propose, à côté de la nourriture qu’ils aiment habituellement (graines et fruits) de la nourriture dite de « cafétéria » (croissants, chips, etc.) vont très rapidement ne plus se nourrir que de cette dernière, et devenir obèses et diabétiques. Comme nous. 

Les rats, et les goélands, seraient donc aussi sots et paresseux que nous ? Disons plutôt : aussi désorientés par la facilité, aussi faciles à manipuler par l’environnement !

Ce que nous montrent ce genre de scènes (les goélands à touristes) ou d’études scientifiques (les rats de cafétéria) c’est qu’une espèce animale ne peut plus se fier à son instinct (« qu’est-ce qui est bon pour moi ? ») dans des environnements artificiels et pollués. Notre instinct ne nous parle et ne nous sauve que dans un environnement naturel. 

Mais lorsque ce n’est plus nous qui cherchons et préparons notre nourriture, lorsque nous achetons de la nourriture préparée par d’autres, lorsque ces autres ne sont pas bienveillants mais avides d’argent, et lorsque dans ce qu’ils nous vendent, ce n'est plus le cas. 

Tout est alors pensé et calculé pour nous manipuler (ajouter de manière dissimulée le plus possible de sucres, de sel, et d’exhausteurs de goût, pour que nous mangions au-delà de nos besoins), alors nous sommes en danger, alors nous allons faire n’importe quoi avec notre alimentation, parce que nous sommes devenus aveugles à ce qui est bon pour nous.

Cette facilité de notre environnement commercial à manipuler intelligemment (diaboliquement) nos instincts et nos faiblesses est évidemment inquiétante. C’est pourquoi nous avons à nous montrer très vigilants. En ce qui nous concerne, nous, les humains. Mais aussi en ce qui concerne les animaux, dont nous sommes désormais responsables, en tant qu’espèce colonisatrice de tous les espaces naturels de cette planète.

Ne remplissons plus nos assiettes de junk-food : je ne parle pas seulement de la nourriture de cafétéria et de fast-food, mais aussi la nourriture toute faite, préparée par l’industrie agro-alimentaire pour enrichir bestialement ses actionnaires ! Ne nourrissons pas non plus les animaux sauvages avec cette bouffe toxique. Ni avec aucune autre, d’ailleurs. 

Donner à manger aux goélands (ou aux écureuils, etc) c’est de l’égoïsme à l’état pur (pour faire plaisir à notre égo ou pour amuser nos enfants) et c’est une violence aussi grande que les frapper ou les agresser physiquement.

Admirons-les, écoutons-les, observons-les, mais foutons-leur la paix : ne nous mêlons pas de leur nourriture, et occupons-nous plutôt de ce qu’il y a dans nos propres assiettes !

Illustration : Ce n'est pourtant pas si compliqué de cohabiter... (Jan Brueghel de Velours et Petrus Paulus Rubens, Le Jardin d'Eden et le Péché originel, vers 1615, huile sur bois, 743 x 1114 cm, Mauritshuis, La Haye)

PS : cet article a été initialement publié dans Kaizen durant l'été 2018.