vendredi 17 décembre 2010

Bonnes fêtes


Bonnes fêtes à toutes et tous, ceux qui fréquentent ce blog et ceux qui l'ignorent, ceux qui s'y expriment et ceux qui se taisent, ceux qui caressent et ceux qui agressent, ceux qui rient et ceux qui râlent, ceux qui arrivent et ceux qui s'en vont.

PsychoActif prend des vacances.

On se retrouve, en principe, si Dieu le veut, et vous, et moi, le lundi 3 janvier 2011.

Portez-vous bien.

Illustration : qui se cache derrière le hibou ?

jeudi 16 décembre 2010

Aime-moi peu


C’est une patiente, un jour, qui me parle de son enfance et de ses parents. De son père notamment, qui avait beaucoup de mal à accepter les relations amoureuses et sentimentales. Avec le besoin d’être aimé, comme tous les humains, mais la difficulté à l’être trop fort, comme certains.

Alors, elle me raconte qu’il disait à son épouse, la mère de la patiente : «aime-moi peu mais aime-moi longtemps, toujours.»

Pour éviter d’être étouffé par trop d’amour ?

Illustration : un couple qui s'aime depuis toujours, au fronton d'une cathédrale romane.

mercredi 15 décembre 2010

Atteindre son but

« Celui qui atteint son but a manqué tout le reste. »

Adage Zen

PS : si je me souviens bien, il me semble que j'ai lu cet adage pour la première fois dans un des commentaires de ce blog, il y a quelques mois...

mardi 14 décembre 2010

Propos sur le blog (2) : ravissements...


Après les agacements (voir billet d'hier) les ravissements : aider, apprendre et relativiser.

Aider : il me semble que ce blog rend service parfois, qu'il apporte par moments aux internautes un petit peu de soutien, d'éclairage, de sourire, de réconfort, de réflexion. Pas seulement mes billets, mais aussi les commentaires lorsque les discutants s'adressent les uns aux autres dans une démarche d'aide

Apprendre : il me semble aussi que de temps en temps, on apprend des choses sur ce blog. Là encore, pas seulement par mes billets : si j’apprécie de lire les commentaires que vous laissez, c'est parce que j'y apprends. Même si je ne me mêle pas à la discussion (manque de temps et surtout parti pris de laisser cette discussion totalement libre, sans l’influencer), je la suis. Et régulièrement, j’y trouve des perles : réflexions, témoignages, citations, liens... C’est presque tous les jours quelque chose d’étonnant, d’intéressant, de nourrissant, d’émouvant, de stimulant. Petits ravissements à découvrir ce qu’un groupe humain peut produire en termes d’intelligence et de sagesse ou d’originalité.

Relativiser : c'est une autre forme d'apprentissage. Nous en avons parlé hier : extraire ce qui nous plaît et nous touche de tout ce qui nous déplaît et nous attriste, en évitant la tentation de tout jeter à la poubelle, c'est un effort intéressant. Cela nous apprend à nuancer notre regard, à accueillir le monde dans sa diversité. Et finalement, à l'aimer...

Illustration : parfois, débattre élève (Le Mont Fuji, par Elliott Erwitt).

lundi 13 décembre 2010

Propos sur le blog (1) : critiques, insultes et vacheries...


J’ai pris le parti de ne pas censurer les discussions sur ce blog. À ce jour, les seuls messages que j’ai retiré l’ont été à la demande des internautes eux-mêmes, qui regrettaient leurs écrits.

Parfois, je me suis posé la question : certains commentaires sont très violents, durs, injustes. Et surtout, centrés sur les personnes, et non sur les propos. Et cherchant parfois à faire mal, par l’insulte ou l’insinuation.

C’est cela, le problème : on peut ne pas être d’accord, c’est très bien de le dire et d’expliquer. Calmement et sans agresser, ce serait parfait (et c’est souvent ce qui se passe sur ce blog, qui réunit des personnes plutôt bienveillantes).

On peut aussi être de mauvaise humeur ce jour-là, et du coup dire les choses en dévalorisant ou dénigrant les propos de l’autre. C’est pas terrible, mais ça passe encore.

Ce qui est très pénible, ce sont les insultes et les agressions adressées aux personnes qui se sont exprimées (les internautes ou moi-même). Sans doute sont-elles facilitées par l’anonymat que permet Internet.

Que faire ? Effacer ces messages ?
Il me semble préférable de les laisser là.

D’une part, ils nous sont bénéfiques : ils nous rappellent que la colère, l’injustice, l’aveuglement, parfois la mesquinerie ou la lâcheté, existent bel et bien (parfois même, nichés en notre propre coeur). Et ces agressions ad hominem dans le virtuel du Net nous vaccinent contre ces maux dans le réel de la Vie. En ce sens, ils sont même utiles, désagréables mais utiles.

D’autre part, il faut être cohérent : si je prône, en thérapie et dans la vie, de ne pas avoir peur du désagréable, de l’accepter pour mieux s’en libérer, ce n’est pas pour faire le contraire sur PsychoActif.

Voilà pourquoi je ne censure pas. Et pourquoi j’espère ne jamais avoir à le faire.

Demain : ravissements.

Illustration : parfois, débattre pique...

vendredi 10 décembre 2010

Rêve d’autorisation


C’est une patiente qui me raconte un rêve : son mari, mort il y a des années, a une maîtresse et est heureux avec elle.

Elle fait ce rêve alors qu’elle vient de rencontrer un homme avec qui elle envisage, pour la première fois, de se remettre en couple.

En se réveillant, elle ressent des états d’âme de tristesse et de soulagement : tristesse de cette «infidélité» onirique ; et soulagement, car elle va, elle aussi, s’autoriser une nouvelle vie de couple.

Elle espére que la liaison de son mari, «là-haut, au Paradis» comme elle me dit en souriant, le rend, lui aussi, heureux.

Après son départ, je reste quelques minutes tout empli de son histoire de deuil et d'amour, et à regarder la neige qui tombe au dehors, en songeant à ces vers d’Apollinaire (nous avons évoqué le bon Guillaume pendant notre discussion) :

«Ah ! tombe neige
Tombe et que n’ai-je
Ma bien-aimée entre mes bras»

Illustration : L'Amour, de Gustav Klimt (et non Le Baiser, comme annoncé au début, merci chers internautes).

jeudi 9 décembre 2010

Devenir immortel et mourir


Qui se souvient encore du cinéaste Jean-Pierre Melville ? Il a pourtant tourné quelques excellents films dans les années soixante (Le Samouraï, L’Armée des ombres, Le Cercle rouge...).

Il a aussi joué le rôle d’un écrivain, dans le film de Godard, À bout de souffle, dans lequel, pour répondre à la question «Que désirez-vous ?», il avait cette réplique : «Devenir immortel et mourir.»

Devenir immortel et mourir : lorsque les humains auront su s’immortaliser (à mon avis, c’est pour bientôt) n’auront-ils pas un jour, à la longue, l’envie irrésistible de disparaître ?

Illustration : Melville avec son célèbre chapeau et ses non moins célèbres lunettes noires.

mercredi 8 décembre 2010

Souffrance

« Ne pas chercher à ne pas souffrir ni à moins souffrir,
mais à ne pas être altéré par la souffrance. »

Simone Weil, La Pesanteur et la grâce

mardi 7 décembre 2010

La nage gracieuse du cygne



Lors d’un colloque, j’ai entendu il y a quelque temps une conférencière faire une belle comparaison : elle expliquait que, dans son métier, elle devait toujours donner l’impression que tout était simple et facile et harmonieux. Mais qu’en réalité c’était beaucoup de travail derrière, imperceptible et invisible pour les observateurs.

Alors elle comparait ça à la nage du cygne : il avance avec facilité et élégance, mais sous la surface, ses petites pattes palmées s’agitent avec énergie...

Combien d’efforts, passés et présents, derrière les apparentes facilités que nous admirons chez les autres ?

Illustration : une leçon de natation en famille.

lundi 6 décembre 2010

Qui a dit que le yoga ne servait à rien ?



C'était quand la dernière fois que vous avez éclaté de rire en lisant un livre ?
Pour moi, c'est avec celui-ci.
C'est un petit livre, édité à compte d'auteur. Pour en savoir plus sur son travail, et feuilleter quelques uns de ses ouvrages, cliquez.

Voici ma sélection de postures de yoga préférées :



La posture du grand désarroi d'avoir acheté du beurre doux et non demi-sel...









La posture du dépassement de la peur des commerçants...









La posture de la dissimulation d'un rougissement soudain...









Bref, tout ce qu'il faut pour vivre enfin sereins.

vendredi 3 décembre 2010

Gros chat


L’autre jour à Sainte-Anne, alors qu’il faisait très froid dehors, pendant une journée de consultations. Je quitte mon bureau pour aller bavarder un moment avec les infirmières, et je laisse ma fenêtre entrouverte pour aérer un peu. La pièce est au rez-de-chaussée.

En revenant, je referme la fenêtre, et je commence à répondre à mon courrier et à mes mails. Et tout à coup j’entends un bruit inhabituel, un ronronnement. Je cherche, et je trouve : un gros chat gris, endormi pépère sur le divan. Tranquille. Il est rentré se mettre au chaud.

C’est un de ces chats qui vivent dans les hôpitaux, que les patients et les soignants nourrissent, caressent et connaissent bien. Les infirmières du service l’ont bien identifié, celui-là. Il y a huit jours, il s’était laissé enfermer dans le bureau d’un collègue qui ne l’avait pas remarqué. Le problème c’est que c’était le vendredi après-midi. Et que jusqu’au lundi matin, le gros chat s’était livré à un peu d’exercice et autres activités variées...

Mais là, pas de souci, je lui propose de rester passer la journée au chaud dans le bureau avec moi. Ça lui convient. Je demande juste à chaque fois aux patients, avant de les faire rentrer, s’ils ont peur des chats. Mais ce jour-là, pas de phobique des chats, au contraire, tout le monde est amusé de sa présence.

Et moi aussi. Il me fait du bien, un copain dans le bureau pour la journée. De temps en temps, je le regarde du coin de l’oeil. Il dormira tout l’après-midi. À un moment, il fait sa toilette et se lèche soigneusement, en pleine conscience. Comme un grand maître Zen : absolument dédié, de tout son être, à ce qu’il fait. Je me régale de l’observer.

Et comble d’ironie, je suis obligé de le déloger peu avant 17h (je ne veux pas retrouver mon bureau en triste état demain matin) pour justement aller animer notre séance de Pleine Conscience du lundi soir.

Salut le chat, bon courage et merci pour tout !

jeudi 2 décembre 2010

Obligés de respirer


La «terrifiante» obligation de ne jamais s’arrêter de respirer...

J’ai rencontré plusieurs fois des patients très anxieux pour qui penser à cela devenait parfois un point de départ à des attaques de panique. Ils me racontaient que depuis qu’ils étaient petits, ça les prenait parfois, en prenant conscience de leur dépendance à l’air, inspirer, expirer, et comme ça jusqu’à la fin des temps...

Je me souviens d’une patiente pour qui le pire cauchemar aurait été de finir dans un poumon artificiel, vous savez, ces énormes machines dans lesquelles on plaçait autrefois les personnes chez qui la poliomyélite avait paralysé les muscles respiratoires. Il fallait toujours quelqu’un pour activer le soufflet. Puis, avec l’électricité, ça marchait tout seul, mais tout de même...

Je me souviens qu’au début, je récupérais un peu ses angoisses à force de l’écouter et de travailler sur ça avec elle, et qu’une ou deux fois je me suis réveillé alors la nuit avec l’impression de m’étouffer. Puis ça m’a passé, et à elle aussi. Depuis que je pratique la méditation de pleine conscience, je crois bien que cela ne m'est plus jamais arrivé ; et à la patiente non plus.

Je me souviens que le terme «poumon d’acier» m’impressionnait, moi aussi, quand j’étais enfant.

Je suis bien content que le vaccin contre la polio ait été inventé...

Illustration : un poumon d'acier d'autrefois.

mercredi 1 décembre 2010

Respirer et penser

« Il est deux processus que les êtres humains ne sauraient arrêter aussi longtemps qu’ils vivent : respirer et penser. En vérité, nous sommes capables de retenir notre respiration plus longtemps que nous ne pouvons nous abstenir de penser. À la réflexion, cette incapacité à arrêter la pensée, à cesser de penser, est une terrifiante contrainte. »

George Steiner, Dix raisons (possibles) à la tristesse de pensée.

mardi 30 novembre 2010

Et rien de douteux...


J’ai trouvé cette mention, «rien de douteux», sur une boîte de barres aux céréales. Rien de douteux : c’est bizarre comme formule, non ?

C’est la première fois que je vois ce genre d’arguments. Et à mon avis, ce ne sera pas la dernière. Cela suggère qu’il y a parfois des trucs douteux dans ce qu’on mange, ce qui est sans doute vrai. Cela suggère aussi que dans ces barres-là, ce n’est pas le cas, ce que j’aurai bien du mal à certifier...

Et ce qui est sûr, c’est que les publicitaires qui ont travaillé sur le texte ont tenté de jouer sur nos peurs puis de nous rassurer (ça a marché puisque j’ai acheté).

Impression d’un vague retour en arrière, comme lorsque nos ancêtres se méfiaient de la nourriture qu’ils trouvaient en chemin : ce champignon, cette baie, sont-ils comestibles ? La modernité ne nous rassure plus, elle nous inquiète, trop opaque, trop lointaine, trop traversée d’égoïsmes. En tout cas, c’est ce que semble nous dire cette mention «rien de douteux»...

Allez, bon appétit quand même !

lundi 29 novembre 2010

Michael Jackson et Chronos






Un été, au Danemark, en vacances avec plein d’enfants, nous visitons un château. J’essaye de canaliser un peu la horde en faisant de l’explication de monument. Par exemple : qui sont ces personnages sur le tableau, que font ces autres sur cette sculpture ? Parfois c’est le grand bide, mais parfois ça marche bien.

Ce jour-là, j’ai de la chance, ou je suis en forme : ça marche ! Les enfants jouent le jeu, et cherchent à deviner qui est qui et qui fait quoi.

À un moment, nous passons sous une statue qui représente un homme qui tient un bébé dans ses bras, au-dessus du vide : c’est Chronos dévorant ses enfants.

Alors je questionne :
«Et ça, jeunes gens, c’est qui ? Que fait-il ?»
«C’est Michaël Jackson !»
«Euh... Michaël Jackson ? Mais pourquoi ?»
«Eh ben, comme sur la photo où on le voyait tenir son bébé en l’air au-dessus du balcon...»

Bon, ben me voilà sans voix.
C’est vrai que ça ressemble un peu, finalement : un adulte qui tient un enfant dans une position dangereuse. Je vous joins la photo, pour celles et ceux qui aurait oublié : à l’époque, le pauvre cyborg-chanteur avait été très critiqué après que ces images eurent fait le tour du monde : tout le monde y avait vu la confirmation de son incapacité à être père, au travers de ce geste un peu inconscient tout de même, destiné plus à satisfaire la foule qu’à prendre soin du bébé.

C’est aussi de la culture, après tout. Mais tout de même, j’ai essayé d’expliquer la légende de Chronos.
Michaël Jackson ou Chronos : on verra bien ce qu’il en restera dans quelques années.

vendredi 26 novembre 2010

Comme si la vie s’échappait de moi



C’est un vieux copain que j’aime bien, d’une grande gentillesse, intelligent et sensible.

Nous nous retrouvons et nous donnons de nos nouvelles. Il me raconte une rupture sentimentale récente, et me rassure : «ça va, j’arrive à faire face, même si c’est douloureux».

Mais du coup, il me parle d’une autre rupture, plus ancienne : «celle-là, j’ai failli en mourir». Et il me décrit notamment le moment où il se retrouva seul après le départ de la femme qu’il aimait, avec son corps qui se vidait de toute force : «j’avais l’impression que la vie s’échappait de moi...»

Je suis pétrifié en écoutant son récit d'hémorragie psychique, d'anéantissement, en réalisant comment l’amour qui nous donne vie peut, lorsqu’il se retire brutalement de notre existence, nous laisser quelque temps aux portes de la mort.

jeudi 25 novembre 2010

Une grande question


C'est dans le TGV Rennes-Paris, en revenant d'une conférence. Il y a deux gamins qui mettent un souk pas possible : ils parlent très fort, se disputent, hurlent pour attirer l’attention de la mère.

Celle-ci est exaspérée, peut-être épuisée, et fonctionne (malheureusement pour elle, pour ses enfants et pour les passagers) sur le registre : ne rien dire, puis exploser, hurler et menacer, mais de façon irréaliste : «à la prochaine gare, tu descends tout seul sur le quai...»

Tu parles que ça les impressionne, les deux lascars... Ils sont habitués à ces menaces bidon. La mère ne les punit pas, jamais, elle prononce de temps en temps des «chut !» désespérés et impuissants quand les passagers alentour relèvent la tête après un hurlement surpuissant d’un des deux petits agités.

Mais à un moment, un peu fatigués, ils commencent à dire des choses intéressantes.

Notamment cette drôle de question, en voyant qu'il reste des personnes sur le quai lorsque nous redémarrons de je ne sais plus quel arrêt : «pourquoi les gens ils sont pas tous dans le train ?»

C'est vrai ça, pourquoi tout le monde n’est pas dans le train, avec nous ?

Évidemment, ça nous paraît une question de peu de sens. Mais c’est sa vision du monde : si lui y est, alors tout le monde devrait y être. Finalement, nous continuons de nous poser ce genre de questions une fois adultes : si la vie est un voyage en train, pourquoi il y a des gens qui descendent, et dans ce cas où vont-ils ? Et pourquoi des gens montent (naissent) ? Et avant, où étaient-ils ?

Du coup, les deux gamins me semblent moins mal élevés, et je ne vois plus seulement en eux deux sales gosses, mais deux petits garçons avec de grandes questions existentielles. En plus, ils finissent par se fatiguer et somnoler, je vais pouvoir finir mon voyage tranquille et me poser moi aussi des questions sans réponse...

Illustration : un passager de TGV un peu agacé par le boucan que font deux jeunes enfants moyennement bien élevés...

mercredi 24 novembre 2010

Esprit et corps

« L’esprit et le corps sont-ils séparés, et si oui, lequel vaut-il mieux choisir ? »

Woody Allen

mardi 23 novembre 2010

Crise et monastères


La crise est partout, nous dit-on.

En tout cas, il semble qu'elle affecte même le recrutement dans certains monastères. Je parlais l’autre jour avec une moniale d’une communauté Zen, qui me racontait que dans les années 70 et 80, le nombre de résidents dans son monastère était bien plus important : autrefois, les sympathisants attirés par la vie monastique ne craignaient pas de venir y passer 2 ou 3 ans, puis de repartir dans la vie laïque : ils savaient qu’ils retrouveraient toujours leur travail, ou un autre.

Aujourd’hui, ce genre de démarche est plus compliqué : il est devenu inquiétant et aléatoire de lâcher son boulot. Du coup, le nombre de personnes qui se permettent de prendre du temps, beaucoup de temps, pour méditer, prier et réfléchir sur leur vie et la vie en général tend à diminuer.

Je n’ai pas d’arguments particuliers, mais il me semble que c’est dommage. Que certaines personnes aient la possibilité (et le cran !) de passer quelques années à l’écart, en vivant très sobrement, mais en pouvant réintégrer ensuite la société, je crois que c’est un phénomène bénéfique justement à cette même société. Mais je n’ai ni arguments ni preuves....

Illustration : un beau Thangka tibétain.

lundi 22 novembre 2010

Honte, football et paradis





Nos gestes parlent.

Et ce qui est émouvant, c’est que ce langage est universel et intemporel. Notamment le langage des émotions.

Celui de l’affliction par exemple : regardez comment Adam et Ève chassés du Paradis (belle et célèbre fresque de Masaccio) ont exactement la même posture que les footballeurs portugais qui viennent de prendre un but qui les élimine en Coupe du Monde (il me semble que c’était la cuvée 2006, celle du coup de tête de Zidane, et lors du match perdu contre les Français, d’ailleurs).

Inutile de les interviewer (d’ailleurs, quelle langue parlaient Adam et Ève ?), il suffit de regarder : quel chagrin ! À cet instant, tout est fichu : le passé est vain, le présent épouvantable et l’avenir bouché. Mais on continue de marcher et d’avancer. Soit parce que Dieu nous expulse et pousse derrière : il faut quitter le Paradis. Soit parce que le match est terminé et qu’il faut quitter le terrain.

Cette peine insoutenable, condamnée à continuer de marcher, qui prend exactement le même visage à plus de cinq siècles d’intervalle (je parle de l’intervalle entre la peinture et la photo, pas entre la péché originel et le match perdu) et dans des contextes si différent, me touche et me rapproche de tous les humains : nous souffrons tous des même maux, de la même manière.

Illustrations : Adam et Ève chassés du Paradis (Masaccio) et des footballeurs portugais chassés de la Coupe du Monde.

vendredi 19 novembre 2010

La télé du voisin


Je bavardais l’autre jour avec une patiente de la manière dont les excès de sollicitations en tous genres de notre société moderne peuvent nous stresser à notre insu. Juste en étant bombardés alors que nous ne nous en rendons même pas compte : ce que les psychanalystes appellent une «accumulation d’excitation».

Et elle me racontait cette petite histoire à l’appui : un soir qu’elle regardait la télé (une émission de variétés) et qu’elle n’était pas tout à fait absorbée, elle jette un coup d’oeil au-delà de son écran TV, par la fenêtre. Et elle voit, dans l’appartement de ses voisins d’en face, de l’autre côté de la cour, une télévision elle aussi allumée, «avec des images qui sautaient à toute allure» me dit-elle. Frappée par le côté un peu halluciné de ces changements de plans incessants, elle se lève pour se pencher au balcon, le temps de fumer une cigarette, et de deviner un peu, de loin, ce que regardent les voisins. Mais au bout d’un moment, elle croit deviner ce qui se passe...

Elle revient vite s’asseoir dans son canapé pour vérifier, et elle compare : les images de l’émission qu’elle regardait et celles de ses voisins, ce sont les mêmes, elle est devant la même émission qu’eux !

Simplement, elle n'avait pas réalisé, absorbée qu’elle était dans le contenu, que le contenant avait cette forme syncopée à l’extrême : «je me suis alors rendue compte de tout ce que je prenais dans les yeux et dans le cerveau, sans le ressentir sur le moment...»

C’est ça, le problème des pollutions multiples que nous impose notre société matérialiste : tout est bon pour capter notre attention, même au détriment de notre bien-être. Et même si pour le moment on n’a pas de preuves claires que balancer un nouveau plan à l’image toutes les 2 ou 3 secondes, ça affaiblit nos capacités de concentration et ça nécessite ensuite beaucoup de temps pour un retour émotionnel au calme, on peut tout de même se poser la question...

Illustration : "Télévision et dépression", dessin extrait de notre ouvrage "Je guéris mes complexes et mes déprimes", Points Seuil 2010.

jeudi 18 novembre 2010

L'art et le bonheur


Encore un peu de publicité sur PsychoActif (je sais, il y en a qui vont râler, mais faites le compte sur l'année...) et toujours à propos d'une réédition de livre. Cette fois, c'est la nouvelle édition de L'Art du bonheur qui resurgit en librairie, dans une nouvelle version de mise en page (mais textes et tableaux sont les mêmes, inutile de le racheter si vous l'avez déjà).

J'y présente 25 tableaux, qui servent de support à mes réflexions sur la quête du bonheur. C'est un exercice que j'adore : il me permet de rentrer dans le détail de chefs d'oeuvre, et de me plonger dans la biographie des peintres (j'ai ainsi appris, par sa correspondance, que Van Gogh était obsédé par le bonheur, à donner et à éprouver, même s'il n'excellait malheureusement pas sur ce dernier point).

J'aime évidemment tous les tableaux de ce livre, puisque je les ai choisis, mais celui que je préfère est le "Bord de mer à Palavas", où l'on voit un petit personnage, sans doute Courbet lui-même, saluer la Méditerranée avec allégresse. Je l'aime pour une raison toute bête, au-delà de sa qualité et de sa puissance évocatrice : il me rappelle mon enfance à Montpellier, et mes étés à Palavas-les-Flots, dans le petit cabanon sans eau ni électricité que mon grand-père avait construit juste derrière les dunes de la plage. Et mon propre bonheur à chaque fois que je grimpais en haut de la dune, pour retrouver et regarder la mer...

PS : ce "bord de mer à Palavas" peut s'admirer au beau Musée Fabre de Montpellier.

mercredi 17 novembre 2010

Modestie

"Modestes sont ceux en qui le sentiment d'être d'abord des hommes l'emporte sur le sentiment d'être soi-mêmes. Ils sont plus attentifs à leur ressemblance avec le commun qu'à leur différence et singularité."
Paul Valéry, Tel Quel, Moralités.

mardi 16 novembre 2010

Vélo-vélo-vélo


L’autre jour, un trajet dans Paris, en vélo. Au début, ça commence bien : une voiture s’arrête pour me laisser la priorité à un croisement de rue. Avec un sourire du conducteur, en plus. Je lui fais un petit salut de remerciement, je trouve son geste sympathique : j’avais la priorité mais il lui suffisait d’accélérer au lieu de freiner pour me passer sous le nez...

Cinq minutes après, dans un passage un peu étroit, une autre voiture arrive derrière moi, et au lieu d’attendre tranquillement en me suivant que la voie s’élargisse, elle me double, en roulant trop vite et trop près : si je fais le moindre écart, elle me percute. «Espèce de très gros con !» que je me dis...

Puis, en continuant à pédaler, je me rends compte, évidemment, que mon niveau d’activation émotionnelle est bien plus fort sur cette deuxième aventure que sur la première. Et que si je ne fais rien, mentalement, c’est ce souvenir-là qui va être mémorisé de manière bien plus vigoureuse. C’est normal, c’était ma survie qui était en jeu.

Mais tout de même, si j’en reste à une simple mémoire émotionnelle, ma vision des automobilistes va être biaisée : au lieu d’avoir en tête du 50/50, moitié sympas moitié pas sympas, je vais stocker des automatismes du genre : tous dangereux avec les vélos.

Alors, je repense au gars sympa qui m’a laissé passer, à tous les neutres qui ne m’ont pas écrasé ni klaxonné quand je me faufilais (moi aussi, je dois les énerver). Pour réajuster un peu ma vision du monde, et aussi, pour me calmer et me faire du bien, je l’avoue...

Illustration : en vélo, attention aux rond-points ! Photo de Florian Kleinefenn. Florian est un copain, et honnêtement, son site vaut le détour si vous aimez la photographie contemporaine.

lundi 15 novembre 2010

Zéro zéro zéro


«Zéro-zéro-zéro-zéro...», c’est ce que braillaient autrefois les bidasses lors de leur quille, en fin de service militaire, sur l’air de «Ce n’est qu’un au-revoir»... Mais ce n’est pas de ça que je veux vous parler.

Ça s’est passé l’autre soir : alors que je travaillais tard, je jette un oeil sur l’heure, et je vois 0:00 sur l’écran de mon ordinateur, tout en haut à droite. Juste entre le moment où les chiffres arrivent à mon esprit et celui où je réalise que c’est simplement minuit, se glisse un léger trouble.

0.00 déclenche une alerte, probablement au niveau de mes amygdales cérébrales (vous savez, ces petites zones du cerveau où sont traités les messages, à un niveau automatique et émotionnel, avant de passer par le cortex). Trois zéro, c’est comme un saut dans le néant, dans l’infini du néant. Pire que le 666 de l’Apocalypse selon Saint Jean, pire que «le nombre de la Bête» : le néant absolu...

Mais ouf, voici le 0:01 qui arrive. Je respire, je suis sauvé... Mais ça m’a fait drôle, ce microscopique instant de trouble : que de secousses émotionnelles notre esprit doit être capable d’absorber ! De la plus discrète à la plus sévère...

PS : ce genre de petits moments et de petits combats si faciles à gagner contre les superstitions absurdes, c'est ce dont souffrent, à un niveau infiniment plus intense et paniquant, nos patients anxieux souffrant de TOC (trouble obsessionnel compulsif). Je rends ici hommage à leur cran.

Illustration : l'album du groupe Aphrodite's Child, qui avait repris le célèbre 666 pour titre...

vendredi 12 novembre 2010

Joyeux mélange


Alice, 6 ans, qui s’intéresse de près à l’actualité, mais mélange parfois un peu les dates et les événements, s’adresse à ses parents et ses frères, réunis à table en ce soir du 11 novembre : 
" Vous savez pourquoi les gens, ils ont fait grève aujourd’hui ? Eh bien c’est parce qu'ils ont signé la fin de la première guerre mondiale ! "

Illustration : une photo de l'écrivain Alain de Botton, dont je vous encourage à visiter le site.

mercredi 10 novembre 2010

Grands hommes

«Les grands hommes meurent deux fois, une fois comme hommes, et une fois comme grands.»
Paul Valéry, Tel Quel, Cahier B 1910.

À méditer en cette période de prix littéraires, et en contemplant par exemple la liste des écrivains ayant reçu autrefois le prix Goncourt : que d’anciennes gloires mortes deux fois, selon la formule de Valéry !

mardi 9 novembre 2010

Mains d’aristo


C’est un souvenir de quand j’étais petit, à l’école primaire. Ça devait être en CE1 ou CE2.

La maîtresse nous racontait, pendant le cours d’histoire, que lors de la Révolution Française on dépistait les aristocrates qui essayaient de passer inaperçus pour fuir le pays, en leur faisant montrer les mains : le peuple avait toujours les mains calleuses et abîmées, et les «aristos» les avaient au contraire blanches et délicates... Une fois démasqués, couic, on leur coupait la tête (enfin, ça, c’était ma conclusion).

Cette histoire m’avait rendu très inquiet : bien que d’origine populaire et pas du tout aristo, j’avais de blanches petites mains de rejeton noble. Et je me disais que si demain, il y avait une nouvelle révolution, on me couperait sûrement la tête malgré mes protestations !

Mon grand-père communiste, à qui j’avais parlé de mes inquiétudes, dut me rassurer : «Ne t’inquiètes pas, tu ne risques rien, je leur dirai que tu es un fils du peuple, et que tu es abonné à Vaillant». Vaillant, c’était à l’époque le magazine pour la jeunesse du Parti Communiste Français. Un peu rassuré mais tout de même soucieux d’assurer ma survie, je me débrouillais du coup toujours pour en garder quelques exemplaires dans mon cartable ou mes sacoches de vélo, en cas de révolution soudaine et de retour d’expéditifs tribunaux populaires.

Je n'ai jamais pensé que l'enfance était un âge d'insouciance. Disons que les soucis durent moins longtemps, et se solidifient moins vite que chez l'adulte. Et qu'ils sont plus vite balayés par les bonheurs qui passent. En principe...

Illustration : un exemplaire de Vaillant.

lundi 8 novembre 2010

Nature morte


« Cherche, parmi tous ces objets misérables et grossiers de la vie paysanne, celui, posé ou appuyé et n’attirant point l’œil, dont la forme insignifiante, dont la nature muette peut devenir la source de ce ravissement énigmatique, silencieux, sans limite. »
Hugo von Hofmannstahl, Lettre de Lord Chandos.

Ils nous parlent, ils murmurent à nos oreilles. Mais quoi ? Il faut d’abord s’arrêter pour les entendre, ces chuchotements. Puis essayer de les comprendre. S’arrêter, respirer et s’immerger dans la contemplation des objets.

« Nature morte », quel drôle de nom ! L’appellation anglaise still life - vie immobile -, et l’allemande, et la flamande, qui disent la même chose, sont bien plus proches de la réalité : ces peintures montrent une vie silencieuse, calme, apaisée. Qu’elles nous invitent et nous incitent à rejoindre. Dans ce monde en mouvement, dans ce monde utilitaire, la nature morte nous arrête : vie immobile, vie inutile. Inutile ? Parce qu’elle n’a rien à montrer que de l’ordinaire ? Mais justement : ce qu’elle nous montre, c’est l’ordinaire qu’on ne regarde jamais.

Et si l’on regarde, on voit : de la simplicité en majesté. Une présence intense derrière l’immobilité. Si l’on regarde, on voit que même ce qui ne clignote pas, ne bouge pas, ne scintille pas, ne fait pas de bruit, peut avoir de l’intérêt et de l’importance. Si l’on regarde, on voit qu’il y a de la beauté, de l’intelligence et même de la grâce dans le simple, l’accessible, le disponible.

Je me souviens d’une discussion, un jour, avec un moine Zen qui me recommandait de toujours respecter l’inanimé. Mais qu’est-ce que l’inanimé ? C’est, me disait-il «ce qui ne crie pas quand on le frappe». Les choses, les objets, tous ces bouts de matière, qui ne crient pas, jamais. Mais qui parlent parfois...

Illustration : une "nature morte" qui vit et parle, de Chardin.

vendredi 22 octobre 2010

Télévision et gros crayons


Quand j’étais petit, on aimait encore la télévision.

Elle n’était pas critiquée et diabolisée comme aujourd’hui. Ni banalisée. Le poste de télé réunissait toute la famille, autour d'émissions tantôt populaires tantôt culturelles, que tout le monde regardait, puisqu'il n’y avait au début qu’une seule chaîne ; et puis quand il y en a eu deux ou trois, il n'y avait de toute façon qu'un poste de télé, les parents décidaient et la famille regardait...

Je me suis souvenu de tout ça l’autre jour, à Toulouse : alors que je cherchais des papiers dans le bureau de mon père, je suis tombé sur cette boîte de crayons de couleur, de gros crayons - un bout rouge et un bout bleu - dont il se servait pour souligner certains mots de ses fichiers ou dossiers.

Doucement bousculé par des bouts de souvenirs en désordre, je l’ai prise avec moi pour emporter un peu de cette époque, où le mot «télévision» était encore assez moderne et étincelant pour faire rêver et pour faire vendre. Pour apporter une touche de modernité à de bons vieux crayons de couleurs.

C’est bien fini, tout ça : la télé est devenue un objet de méfiance, et qui se sert encore de gros crayons de couleurs pour surligner ? À part moi maintenant, pour penser à mon père... C’est ma façon d’héberger un peu de douce nostalgie et de ralentir l’inexorable oubli. Et ça me fait plutôt sourire que soupirer : je suis content d'avoir vécu cette époque, télévision et gros crayons...

PS : comme un poste de télévision, PsychoActif va s'éteindre pendant deux semaines, le temps de prendre quelques vacances. Bonnes vacances ou bon courage, ou les deux. Et on se retrouve, si Dieu le veut, le lundi 8 novembre...

jeudi 21 octobre 2010

Pas d’altruisme triste


La psychologie est bien faite (du moins dans les périodes où ça tourne à peu près rond dans nos têtes).

Ainsi, rendre service aux autres nous rend plus heureux, et être plus heureux nous pousse à rendre service aux autres. De même pour ceux à qui nous avons rendu service : cela les rend un peu plus heureux (ou un peu moins malheureux), et les prépare donc à se tourner un peu plus facilement vers d’autres autres, et à les aider, etc.

Liens indissociables et réciproques entre altruisme et bonheur, donc. C’est sans doute pour ça que le bouddhisme insiste beaucoup sur le fait que la compassion a intérêt à être soutenue par la joie, pour ne pas faire souffrir la personne altruiste (ce qui finirait par tarir l’altruisme).

Nous avons à être altruistes et pas altristes : l’altruisme a tout intérêt à être joyeux, à ne jamais se couper de la joie d’aider. Il doit être basé sur l’affection pour les autres humains. Sur un désir sincère et heureux d’aider les autres. Rendre service en étant content de rendre service.

Les sinistres donnent des leçons de morale, les joyeux les mettent en pratique sans trop de discours. Supériorité de l’action sur la cogitation, et de la joie sur la tristesse..

Illustration : un petit cavalier joyeux (et altruiste ?) entrevu lors d'une visite au château de Rosenborg, au Danemark.

mercredi 20 octobre 2010

Écouter et parler

«Si nous avons deux oreilles et une seule bouche, c’est clair : cela signifie que nous avons à écouter deux fois plus que nous ne parlons.»

Je sais, ça n’a rien à voir, nous aurions pu aussi avoir, en tant qu'espèce animale, une seule oreille et deux bouches, ou six oreilles et pas de bouche, et avoir toujours cette irrépressible tendance à préférer parler qu'écouter...

Mais l'image est belle, et le message utile, non ?

mardi 19 octobre 2010

Complexes et déprimes


Cette semaine, je vais vous infliger un peu de publicité autocentrée, désolé. Pour celles et ceux que ça agace, vite, cliquez et fuyez.
Pour les autres, sachez que sort donc en librairie l'édition en poche de notre livre illustré avec Muzo, paru en 2002 sous le titre original "Petits complexes et grosses déprimes". Il s'appelle désormais, en version poche : "Je guéris mes complexes et mes déprimes"...
Il parle de mésestime de soi, de complexes, d'hypocondrie et de dépression. Et voici quelques-uns des dessins de l'excellent Muzo, qui parlent mieux que de longs textes, n'est-ce pas ?





lundi 18 octobre 2010

Quand on a tout perdu...


C’est un beau portrait de jeune homme du 17ème siècle, que l’on peut voir au Musée de l’Ermitage à Saint-Petersbourg, et qui est l’oeuvre d’un peintre hollandais peu connu, Michael Sweerts.

L’expression de son visage est très belle et subtile, mélancolique, à la fois fatiguée et soulagée. On ignore ce que le peintre a voulu exprimer dans cette oeuvre. On suppose aujourd’hui qu’il s’agit peut-être d’un autoportrait. Mais alors, pourquoi les accessoires autour de lui sont-ils non pas ceux d’un peintre mais ceux d’un banquier ou d’un agent de change : bourse, pièces, livres de comptes, encrier et plumes ?

En réalité, le premier titre du tableau était : «En faillite», ce qui permet de mieux comprendre - en tout cas de mieux imaginer - le pourquoi de ce visage (à la fois triste et souriant) et de cette position (à la fois épuisée et apaisée). L’homme est peut-être effondré par sa faillite mais soulagé d’en avoir fini avec ses soucis d’homme d’argent. Je me souviens à ce propos d’avoir lu il y a quelques temps une interview de l’escroc Carl Madoff, qui provoqua une catastrophe bancaire mondiale, et qui racontait avoir été «soulagé» par son arrestation (mais sans doute moins par sa condamnation à 150 ans de prison...).

Le peu que l’on sait de la vie de Sweerts est qu’il était psychologiquement fragile, et qu’il termina sa vie en Inde, comme jésuite. Sans doute que sa fragilité fut à la source de sa subtilité en tant que peintre...

Illustration : le portrait de L'Ermitage.

vendredi 15 octobre 2010

Confisqué !


Les enfants et adolescents sont presque tous "accros" aux écrans.
Ce n'est pas leur faute, notre société les y incite de manière déraisonnable. Alors c'est le boulot des parents (il me semble) de les protéger. Même s'ils ne sont pas du tout d'accord !

Notre deuxième fille vient d'avoir un portable pour son entrée en classe de seconde. Jusqu'alors nous avions refusé malgré ses protestations : elle était presque la seule de son collège à ne pas avoir de portable en troisième...

Mais nous nous sommes vite aperçus d'un autre problème : appels et surtout SMS déferlaient toute la soirée jusque tard dans la nuit. Alors nous avons pris la décision de récupérer le portable tous les soirs à 21 heures, pour éviter les interruptions et sollicitations à un moment où il vaut mieux s'apaiser que s'exciter.

Évidemment, nouvelles protestations déchirantes et argumentées, mais nous tenons bon.

Le premier soir, je récupère donc le portable, que je pose sur mon bureau, pendant que je bouquine. Un peu culpabilisé d'avoir fait un acte d'autorité qualifié de "complètement abusif" par ma fille... Mais ma culpabilité n'a pas duré longtemps : entre 21 heures et 23 heures, il y a eu une trentaine de bips et bruits divers émanant de l'appareil diabolique, et témoignant de l'intensité du trafic téléphonique à des heures inadaptées. Pendant ce temps, ma fille avait eu le temps de lire et de s'endormir. Et elle n'est pas prête de récupérer cet engin de malheur le soir. Pas avant sa majorité en tout cas.
Après, ce sera son problème...

Illustration : et c'est NON aussi après 21 heures !

jeudi 14 octobre 2010

Worry a bit...


C'est un porte-clés qu’on m’a offert récemment, avec cette maxime qui me ressemble (d’où le cadeau...). Traduction maison : «N’oublie pas de vivre. Garde la foi. Fais toi un peu de souci.»
Ça claque mieux en anglais : «Live. Believe. Worry a bit». Mais quelle que soit la langue, c’est tout à fait ça.
Pour moi et pour pas mal de monde, il me semble...

mercredi 13 octobre 2010

mardi 12 octobre 2010

Si proche et si lointains...


Beaucoup des personnes que nous côtoyons, même des proches, évoluent en fait, dans certains domaines de leurs vies, à des années-lumière de nous.

Je pensais à ça l’autre jour, en échangeant des mails avec un copain bouddhiste, à qui j’avais demandé un service. Comme je le remerciais, il me répondit : «aucun problème, en plus c’est bon pour le Karma».
Et il avait beau ajouter un petit smiley ;)) son évocation du Karma derrière un acte de gentillesse me rappelait soudain toute une vision du monde si importante pour lui, mais invisible dans nos rapports habituels. Tout à coup, une petite remarque déchirait le voile des apparences et me révélait de lui quelque chose de capital, que je connaissais mais que j’oubliais régulièrement au quotidien.

Et peu de jours après, en tombant par hasard un soir sur mon cher Matthieu Ricard dans l’émission de Frédéric Lenoir sur France Culture, je repensais à cela en l’écoutant évoquer sa rencontre avec la réincarnation de son maître adoré, Dilgo Khyentse Rinpoché. Là encore, rappel radical des convictions religieuses de Matthieu, avec qui nous discutons régulièrement de neuro-sciences plus que de bouddhisme lors de nos rencontres.

J’aime bien me trouver confronté à ce genre de moments, où on découvre la profondeur, la richesse, la complexité de ce qu’on appelle un humain ! C’est pour ça qu’on ne peut jamais s’ennuyer en faisant de la psychologie ou tout simplement en s’intéressant à ses semblables.

lundi 11 octobre 2010

Putain, putain, putain !


C'est une drôle de scène à laquelle j'ai assisté l'autre jour dans le TGV.

À quelques rangées de moi, une demi-heure après le départ de Paris, j'entends monter des jurons, à intervalles réguliers : "Putain ! Non, mais c'est pas possible ! Putain, putain, putain !" Et ça dure comme ça, sporadiquement, pendant un bon moment.
C'est un monsieur habillé en jeune cadre branché, assis tout seul, qui tempête devant son écran d'ordinateur. Tout le wagon jette des regards étonnés ("qu'est-ce qui lui prend ?"), inquiets ("est-ce qu'il va nous faire une crise de nerfs en direct ?") ou agacés ("il va un peu la boucler ce zozo énervé ?").

Puis le gars se calme tout seul. Au bout d'un moment, il se lève et va se chercher une bière au wagon-bar. Et il s'endort.

Je me demande sur quelle galère informatique il était tombé ? Et quelle vie ultra-stressante il doit avoir, pour se lâcher comme ça en public, devant tout le monde ? Moi, ça m'arrive aussi de m'agacer dur, surtout quand mon ordinateur me fait des misères, mais quand il y a du monde, je la boucle, je n'ose pas gémir et rouspéter à voix haute. Si je le fais, c'est in petto.

Lui il assumait : très fort en affirmation de soi, peut-être un peu moins en gestion du stress...

Illustration : des fois on s'énerve trop, et on fait n'importe quoi (photographie d'Elliott Erwitt).

vendredi 8 octobre 2010

Des hommes et des Dieux


J’ai beaucoup aimé ce film, et beaucoup de personnes l’ont aimé, si on en juge par les chiffres de fréquentation des salles où il est projeté.

J’ai beaucoup aimé le fond bien sûr (c’est un film sur la spiritualité et la fraternité) mais aussi la forme : pas de dialogues percutants et léchés, dont on sent qu’ils sont pensés pour frapper, mais des paroles simples, avec des silences, des hésitations, des répétitions, comme dans la vraie vie.
Pas de mouvements incessants de caméra, mais des plans fixes.
Pas de musique, sauf à un moment précis.
Ce moment qui m’a frappé...

Les moines sentent qu’ils sont condamnés et que s’ils restent, ils seront assassinés par les islamistes. Mais ils vont prendre la décision de rester, décision pas du tout héroïque dans son cheminement : ils ont peur, ils hésitent, ils se disputent même. Mais héroïque dans son aboutissement : ils restent, et dans sa motivation : ils restent parce qu’ils se sentent proches du destin des villageois qu’ils côtoient et qu’ils aiment et qu’ils ne veulent pas abandonner.

Alors, à un moment, alors qu’ils ont compris et admis cela, ils prennent un repas durant lequel un des moines de la communauté apporte deux bouteilles de bon vin, et un vieux magnétophone à cassette, et passe un extrait du ballet de Tchaïkowski, Le Lac des cygnes.
En général, je ne suis pas fan de la musique romantique : trop de pathos et trop d’emphase, fatigante et larmoyante. Mais là, ça marche totalement.
Pendant le repas, le cinéaste filme en gros plan les visages des moines, sur lesquels défilent tous leurs états d’âme : surprise au début, amusement, gravité, angoisse, apaisement, inquiétude, incertitude... Le tout en raccord parfait avec les oscillations de la musique, dont les débordements puis les apaisements sont ici parfaitement appropriés pour refléter et accompagner la violence et l’intensité de ce que ressentent les moines. Qui ont parfaitement compris que le geste de leur frère - vivre ensemble un moment de plaisir - était en rapport avec le destin tragique qui se profile pour eux...

Ils sont impuissants à empêcher le drame d’arriver, pour eux et l’Algérie, mais ils font le choix de la présence. Impuissants mais présents. Comme nous le sommes souvent dans nos vies, lorsqu’il s’agit d’aider autrui face à une adversité qui nous dépasse totalement...

PS : plusieurs internautes (lire les commentaires ci-dessous) m'ont à juste titre signalé (merci !) que les moines avaient peut-être été tués par l'armée, et non par les islamistes ; il y a effectivement dans le film une scène suggestive où un hélicoptère militaire survole sans raison apparente le monastère, très longuement, très près, et dans un vacarme menaçant, obligeant les moines, inquiets, à interrompre un office.

jeudi 7 octobre 2010

Vous voulez bien me gratter la tête ?


C’est un chien sur le divan d’un psychanalyste, qui, peut-être après des années et des années de cure, lui demande tout à coup : «Vous voudriez bien me gratter la tête ?»

J’adore évidemment le côté absurde du dessin, mais aussi tous les messages qui en découlent. J’adore cet humour qui parle de notre besoin inné de tendresse et de contact physique, qui finit toujours par déborder à un moment nos efforts pour les canaliser par des mots. Et j’aime qu’on me rappelle ce côté animal en nous, toujours déconcertant et parfois désopilant lorsqu’il resurgit aux moments où on ne l’attendait plus...

Illustration : Leo Cullum, The New Yorker.

mercredi 6 octobre 2010

Malheur puis bonheur

«Quand les conditions du bonheur sont enfin réunies, nous nous sommes trop bien adaptés à celles de l’infortune : trop de corne pour les voluptés promises à nos tendres muqueuses.»

Éric Chevillard, L’Autofictif du 24 septembre 2010.

Pas facile de se laisser aller au bonheur, quand on passé beaucoup de temps à se battre pour sa survie. C’est Alexandre Jollien qui en parle parfaitement dans ses livres : il appelle ça «l’après-guerre». Se battre contre le malheur ne prépare pas à savourer le bonheur. On pourrait parler de reconstruction de soi...

mardi 5 octobre 2010

Artiste ou banquier ?


Il y a 2 ou 3 ans, j’avais rencontré une une patiente étonnante, avec une drôle de vie et pas mal d’humour. Elle me racontait sa vie amoureuse (compliquée). Et notamment cela :

« Je n’ai jamais été vraiment raccord avec les hommes que je croisais. Par exemple, j’ai passé des années avec un artiste, un peintre fauché : quand j’étais avec lui, on on parlait tout le temps d’argent, jamais de peinture. J'ai fini par le plaquer, il était trop galère. Puis, je me suis mise en ménage avec un banquier, et avec lui, c’était l’inverse : on ne parlait jamais d’argent, mais tout le temps de peinture, on allait voir des expositions sans arrêt, on ne discutait que d’art...»

Ça ressemble à une histoire à la fois drôle et triste. Mais c’est c’est juste la vie qui est comme ça...

Illustration : Gallerie Sollertis, Toulouse.

lundi 4 octobre 2010

Festina lente


C’est un élève qui parle à son maître en méditation :

«- Maître, combien de temps me faudra-t-il pour atteindre la sérénité ?»
Long silence, puis le maître répond :
« - 30 ans.»
L’élève accuse le coup :
« - Euh... C’est un peu long. Et si je mets les bouchées doubles, si je travaille dur, jour et nuit, si je ne fais plus que ça ?»
Le maître garde le silence un long moment et finit par lâcher :
« - 50 ans...»

vendredi 1 octobre 2010

Plume d’ange


Si je vénère Claude Nougaro, ce n’est pas seulement parce qu’il est toulousain, comme je le suis. Pas seulement parce que je l’ai vu dévaler du toit du Capitole, le long d’une improbable tyrolienne, pour arriver sur un grand chariot de Carnaval, ivre mort et tombant à la renverse à chaque fois que le chariot redémarrait, entouré par une foule d’étudiants en liesse et eux aussi avinés, dont j’étais. Pas seulement parce qu’il fut peut-être le seul français à savoir chanter le jazz.

Je le vénère parce que c’est un de nos plus grands poètes. Jongleur de mots, cracheur de swing. Et son chef d’oeuvre poétique reste méconnu. Son chef d’oeuvre, c’est sa chanson Plume d’Ange.

C’est un texte sur la foi.
La foi, qui est plus belle que Dieu...

Voici les paroles.

Voici la musique.

Écoutez et jubilez.

jeudi 30 septembre 2010

L’électricité quand il pleut


C’est une petite scène à laquelle j’ai assisté l’autre jour.

Une dame âgée, alors que la pluie commence à tomber, passe avec son petit chariot de marché devant un immeuble, où elle ne semble pas résider elle-même. Elle s’adresse gentiment à deux ouvriers électriciens qui font une réparation devant la porte : «Attention, messieurs, vous savez, c’est dangereux l’électricité quand il pleut, soyez prudents !»
Les deux messieurs sourient poliment : «Merci madame, on a l’habitude...»
À quelques mètres se trouve leur camionnette, avec tous les logos attestant que leur entreprise est effectivement spécialisée en installations électriques.

Comment dire ? Cette gentillesse gratuite - et un peu naïve - de la vieille dame pour les deux inconnus m’a touché et réconforté. Et j’aime bien être touché et réconforté...

Illustration : est-ce quelqu'un a prévenu les électriciens qu'il y avait un petit souci ?

mercredi 29 septembre 2010

Travailler tout seul

"Dieu a créé le monde en sept jours. Mais il a eu la chance de pouvoir travailler seul."
(Kofi Annan)

PS : la citation prend toute sa saveur lorsqu’on se rappelle que Kofi Annan fut secrétaire général des Nations Unies pendant 10 ans...

mardi 28 septembre 2010

Arrêtez le massacre


L'autre jour, je suis tombé sur une carte postale très drôle : c'était une pile de vrais livres, dont les vrais titres s'enchaînaient et se répondaient, en construisant une énumération significative.

Celle de l'image que vous pouvez voir, par exemple, c'était :

L'éducation de l'oubli
La conquête du courage
La connaissance de la douleur
L'invention de la solitude
et le dernier :
Arrêtez le massacre


Je dois être de bonne humeur en ce moment : ça m'a fait mourir de rire, ce détournement cocasse...
Ces séquences se trouvent réunies dans un petit livre peu connu mais très malin : Au diable les écrivains heureux, par Laurent Dursel. Un bon investissement pour sa bonne humeur...

lundi 27 septembre 2010

Regarde les voitures rouler...


Quand on est sur l’autoroute, et qu’on passe sous un pont, dans la campagne, on voit souvent un monsieur arrêté (je n’ai jamais vu de dames faisant ça, ou alors j’ai mal regardé) qui observe le flot des voitures.
Je me suis souvent demandé pourquoi ces gens se mettaient là à voir défiler les bagnoles : il y a tellement de choses plus intéressantes et plus belles à regarder.

Et puis l’autre jour, en faisant une ballade en vélo autour de Paris, je suis passé sur un pont qui enjambait une grosse autoroute (8 voies). J’ai repensé à mes interrogations métaphysiques sur les car-spotters *, et je me suis arrêté moi aussi, pour essayer de comprendre.

Eh bien, j’avoue que j’ai un peu compris ! Malgré le bruit et l’odeur, pas terribles, j’ai découvert que c’était un spectacle tout de même fascinant, ce flot lent (grâce à la perspective en surplomb, qui aplatit et ralentit) de voitures de toutes couleurs, qui circule avec fluidité et une certaine grâce, comme un grand troupeau en fuite.

Cela fait une bonne cible mouvante pour l’attention, comme on dit en méditation.
Bon, d’accord, il y a mieux dans la nature : les nuages, les vagues, la flamme du feu. Mais cet énorme flot de ferrailles qui se suivent, se dépassent, s’évitent (en principe), ça a quelque chose d’une fascinante harmonie inhumaine.

* Le carspotting, c’est comme le trainspotting, mais avec des voitures. Ce que c’est que le trainspotting ? Une ferrovipathie...

Illustration : quand il y a beaucoup beaucoup de voitures, on peut carspotter avec des potes...

vendredi 24 septembre 2010

C’est presque moi...


Entendu l’autre jour ce message sur le répondeur téléphonique d’une amie : «Bonjour, c’est X. Enfin, presque... Laissez moi quand même un message.»

J’aime bien ce «enfin presque». La voix et l’accueil sont là, pas la personne. Comme les mails ou les SMS : ce sont des échanges d’informations auxquels il manque tout le non verbal du face-à-face. Donc : presque des communications.

En tout cas, ça m’a bien plu ce petit «presque» qui m’a fait sourire et réfléchir. C’est décidé, je vais changer le message de mon répondeur. Ce sera désormais : «Bonjour, c’est presque moi !»

Illustration : Graham Bell, l'un des inventeurs du téléphone, laisse un message sur son répondeur en 1876...

jeudi 23 septembre 2010

Tierces contenues


Je parlais récemment avec des proches de la logique des sites Internet : accrocher l’internaute pour qu’il reste captif, qu’il multiplie les clics, et soit exposé au maximum aux messages du site.

Mais il existe aussi des sites à la logique inverse, comme celui-ci, d’un poète de mes amis, Jean Déserh : http://www.lestierces.fr/
En y arrivant, vous pourrez y lire un court poème.

Un exemple, que j'adore :

Les consonnes à vélo
Soutiennent les
Voyelles

Si ça vous plaît, vous pourrez en lire deux autres (en cliquant sur la parenthèse de droite). Puis, ce sera fini. Il vous faudra revenir plus tard, vous êtes gentiment poussé vers la sortie...

Exactement à l’opposé de notre logique matérialiste : de tout, beaucoup et à volonté. Mais totalement adapté à la poésie, où le trop peut parfois écoeurer, et où, surtout, c’est ce qui se passe en nous après la lecture du poème qui compte.

Illustration : livres de poésie (non disponibles online) attendant des lecteurs.