Quel chemin parcouru par la
psychologie, ces dernières décennies !
Nous parlons volontiers aujourd’hui de ses succès, mais pendant
longtemps, ce n’était pas si évident aux yeux de la plupart des gens. Ce n’est
que depuis les années 1960-70 que la psychologie fait véritablement partie de
notre vie quotidienne, et s’est intégrée à nos façons de penser. Auparavant,
elle était plutôt un objet d’indifférence ou de méfiance. Et on se demandait si
ça marchait vraiment ?
Je me souviens par exemple que lorsque j’ai commencé mes
études de médecine, les psychiatres étaient considérés comme des médecins pas
comme les autres, ils n’étaient « pas tout à fait médecins », par
rapport aux chirurgiens ou aux cardiologues, qui eux étaient des « vrais
docteurs » avec blouse blanche et ustensiles médicaux.
Je me souviens qu’à l’époque il y avait encore des humains
« pré-psychologiques », comme il avait existé des hommes pré-historiques.
Des humains que ça n’intéressait pas du tout de réfléchir sur eux, de
comprendre leurs émotions, leurs motivations, leurs méandres mentaux, et encore
moins de comprendre ce qui se passait dans la tête des autres. Ces humains
« pré-psychologiques » ne voulaient
en aucun cas faire de la psychologie…
Aujourd’hui,
de l’eau a coulé sous les ponts, les humains
« prépsychologiques » sont en voie de disparition, et nous célébrons
les noces de la science et de la psychologie.
Avec des signes réjouissants : c’est un plaisir de voir
les études de neuroimagerie confirmer que les psychothérapies améliorent la
dynamique fonctionnelle cérébrale, un plaisir de voir que la méditation modifie
favorablement notre biologie.
Mais il y a aussi des signes inquiétants : l’usage
aujourd’hui généralisé du neuromarketing, qui cherche à influencer nos
comportements d’achat ou nos votes politiques, à travers le fichage de nos
traits psychologiques et comportementaux, est certes une forme de
reconnaissance de l’efficacité de la psychologie, mais aussi une énorme menace
sur nos libertés.
C’est
pourquoi il est si important que les citoyens contemporains disposent d’une
culture psychologique de base, non seulement pour mieux vivre, mais aussi pour
mieux se défendre de toutes ces formes de manipulations commerciales et
politiques.
Eh
oui, il est devenu aujourd’hui aussi important de savoir comment fonctionne notre
cerveau, qu’il l’était hier de savoir reconnaître les champignons, les plantes,
les espèces végétales et animales. Ces savoirs anciens nous sont moins
nécessaires actuellement, puisque nous ne recherchons plus notre nourriture
nous-mêmes. Mais les savoirs psychologiques sont devenus, eux, fondamentaux,
dans des sociétés où nous sommes amenés à rencontrer un très grand nombre de
personnes très différentes de nous, à établir avec elles des rapports prolongés
et complexes, à nous faire une place dans un monde qui n’arrête pas de changer
et d’évoluer… Sans la psychologie, ce serait bien difficile !
Et vous, chères et chers internautes de tous âges, qui me lisez régulièrement ou de temps en temps, d’où vous vient ce
goût pour la psychologie ?
Illustration : un badge qu'on m'a offert un jour en cadeau...
PS : ce texte reprend ma chronique du 28 novembre 2017, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.