jeudi 19 avril 2012
Les mots de la guérison
Nos mots sont liés à nos ressentis.
Parfois ils les trahissent : ce sont nos lapsus.
Parfois ils les traduisent : ce que nous disons, et surtout la manière dont nous le disons, reflète, sans que nous le réalisions vraiment, notre vision du monde et notre équilibre émotionnel.
Des collègues néerlandais viennent d’en faire la preuve dans une belle étude conduite auprès de 299 patients en psychothérapie.
Ces patients souffraient de ce que l’on appelle « troubles de personnalité », c’est-à-dire présentaient des façons d’être anciennes et habituelles, des traits de personnalité les faisant souffrir.
Tendances à l’évitement social (63%), à la dépendance (15%), à l’obsessionnalité (40%), à la paranoïa (7%), au narcissisme (4%), etc.
Si vous faites le compte, vous verrez que la somme est supérieure à 100% : car la moitié d’entre eux présentaient plusieurs traits de personnalité pathologique.
Pourquoi avoir choisi ce type de patients ? Parce que dans les troubles de personnalité, les difficultés sont anciennes et chroniques. On peut donc supposer que leur vision du monde et leurs ressentis émotionnels, anciens et enracinés, auront largement eu le temps d’imprégner leur langage et leur manière de raconter leur vie.
On évaluait donc les patients avant le début de la psychothérapie (cognitive ou rogérienne), puis après 1 an, et après 2 ans, alors qu’ils étaient encore en traitement (en général, ces thérapies pour troubles de personnalité sont assez longues, car il y a du travail…).
L’évaluation comportait des entretiens approfondis, la passation de nombreux questionnaires, et une petite rédaction d’un texte sur le modèle suivant :
« Essayez de décrire votre vie : quel genre de personne êtes-vous ? Comment en êtes-vous arrivé là ? Comment ça se passe pour vous en ce moment ? Comment voyez-vous la suite ? »
Les 3 versions de ce texte (avant psychothérapie, après 1 an et après 2 ans) étaient passées au crible d’un logiciel d’analyse sémantique, qui traquait dans le détail toutes les manières de parler de sa vie…
Les chercheurs obtinrent des résultats nets : les progrès faits dans la thérapie s’accompagnaient de changements mesurables dans l’usage des mots.
Certains de ces changements étaient prévisibles, et attendus.
Par exemple, plus les patients s’amélioraient, moins ils utilisaient dans leurs récits de mots décrivant des émotions négatives et plus ils exprimaient d’émotions positives. Rééquilibrage de la balance émotionnelle…
De même, leur mieux-être se traduisait aussi par des verbes moins souvent au passé ou au futur, et plus souvent au présent. Capacité accrue de savourer l’instant présent, au lieu d’anticiper ou de ruminer…
Mais il y a avait aussi des résultats inattendus.
Celui-ci, par exemple : le mieux-être s’accompagnait d’une diminution de l’usage du « je » et des pronoms à la première personne. Capacité à se décentrer et à s’oublier, pour plutôt s’intéresser à tout ce qui nous entoure…
Ou celui-là : la diminution des formulations négatives (« ne pas… » etc.) qui traduisait, selon les auteurs de l’étude, le recul des occasions ratées, des renoncements, des reculs et échecs, si fréquents dans les trajectoires existentielles de ces personnalités. Ou du moins la non-focalisation sur ces inévitables ratages de notre quotidien…
Intéressant, tout ça, n’est-ce pas ?
Désolé pour ce billet un peu long et technique, mais ses résultats sont si riches d’enseignements ! Ou plutôt de confirmations…
Ça fait du bien aussi de savoir qu’on est sur la bonne voie, lorsque nous nous efforçons :
1) de ne pas nous focaliser sur nous, mais, de notre mieux, de nous ouvrir au monde qui nous entoure ;
2) de revenir inlassablement vers la « présence au présent », alors que nos ruminations et inquiétudes nous en éloignent non moins inlassablement ;
3) de cultiver, encore et encore, le maximum possible, compte tenu de ce qu’est notre vie, d’émotions positives. André Comte-Sponville définit la sagesse comme « le maximum de bonheur dans le maximum de lucidité ». C’est exactement ça…
Et cette étude nous conforte dans nos efforts (à reconduire et à reproduire inlassablement) vers un tout petit peu plus de sagesse quotidienne…
Illustration : mon écrivaine préférée, et ses mots sobres pour écrire la vie...
jeudi 12 avril 2012
Tout petits bouts d’humour
Je ne sais plus qui a dit que l’humour était la politesse du désespoir ; c’est sans doute vrai parfois. Mais c’est aussi un condiment du quotidien. On est là, en train de vivre, l’âme sérieuse, ou triste, ou absorbée par quelque problème à résoudre, ou quelque échéance à venir. Et d’un coup, un trait d’humour nous arrache un sourire, et tout redevient un peu plus léger.
C’est lors d’un voyage en avion, après l’atterrissage ; quelques minutes s’écoulent avant que les passagers (dont moi) ne puissent sortir, car il y a des difficultés à installer la nacelle de débarquement. Puis, au moment où la porte s’ouvre, nous entendons la voix du commandant de bord : « Mesdames et Messieurs, une bonne nouvelle : la nacelle est installée, vous allez pouvoir débarquer. Et une moins bonne : nous allons devoir nous séparer ! ». Un sourire amusé apparaît sur la tête de presque tous les passagers…
C’est un mail que m’envoie un cousin, chanteur de chorale amateur : « Voici la date de notre concert annuel, pour les amateurs de fausses notes et joie de vivre. » Je souris, car c’est exactement ça…
C’est au retour d’une longue journée de travail à Bordeaux ; dans le TGV du retour, je vais m’acheter au bar du train une petite bière, pour la savourer en regardant le paysage et en repensant à tout ce qui m’est arrivé d’intéressant ce jour-là. Le monsieur qui me sert, un grand antillais jovial, est en pleine forme, il fait des blagues à tous les passagers. Quand mon tour arrive, il enregistre ma commande, puis me regarde d’un air très pro et sérieux, en me demandant : «Votre bière, vous la voulez bien fraîche et délicieuse ?» J’éclate de rire en lui confirmant que c’est le bon choix…
Des tout petits bouts d’humour de rien du tout. Mais à chaque fois, comme disent les anglais : « it makes my day ». Ça me réjouit, et ça suffit. Pour le reste, je verrai plus tard…
Illustration : 2 chiens qui discutent, et l'un qui explique à l'autre : "Oui, c'est vrai, ils sont dingues ; mais ils savent ouvrir le frigo..."
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