vendredi 19 février 2010

Vivement le printemps


J'ai bien aimé cet hiver, un vrai de vrai : du grand froid, plein de neige, du ciel gris. Maintenant, j'en ai un peu marre. L'autre jour, je me suis surpris dans la cuisine en train de me caler un moment derrière la vitre, juste dans un tout petit rayon de soleil, ma tasse de thé bien chaude à la main, en fermant les yeux comme un animal qui cherche du réconfort et de la chaleur pour son corps. Il me tarde que le soleil revienne, comme hier, avec de la douceur dans l'air, des oiseaux qui chantent. J'ai de la chance, ça va arriver, ça s'appelle le printemps. Le savoir me rend léger et content d'exister.

Illustration : le merveilleux Amandier en fleurs, de Vincent Van Gogh, que je commente dans un de mes livres. On dit que l'amandier est le premier arbre à refleurir au sortir de l'hiver...

Post-scriptum : Psycho Actif va s'interrompre pour deux semaines. On se retrouve le lundi 8 mars ? D'ici là, savourez bien les premiers frémissements du printemps qui vient...

jeudi 18 février 2010

Délit de fuite


Je bavardais l’autre jour avec un ami du délit de fuite : que se passe-t-il dans la tête d’un automobiliste, lorsqu’il s’enfuit après avoir renversé un passant ou un cycliste ?
Peut-on en tirer des conclusions ? Généraliser sur la nature humaine ? C’est vrai que le délit de fuite a quelque chose de glauque et de troublant. Il semble donner raison aux pessimistes sur la nature humaine. Il a presque toujours lieu lorsque l’accident s'est produit sans témoins : il n’est pas seulement un réflexe (on fuit par peur de la « punition ») mais aussi un calcul (on fuit aussi par espoir de ne pas être justement identifié). Et c’est cette dimension de calcul qui est moche.
Je me souviens d’avoir été très perturbé, alors que j’étais étudiant, par un fait divers rapporté dans La Dépêche du Midi : un joueur du Stade Toulousain avait un soir renversé un cycliste et s’était enfui. Comment un type si courageux sur le gazon avait-il pu se montrer si lâche sur le bitume ? À l'époque, ça m’avait déconcerté. Aujourd’hui, je sais que nous sommes tous exposés à ça. La peur et la lâcheté peuvent lézarder nos valeurs. Notre personnalité ne peut prédire nos comportements que si les circonstances sont calmes ou habituelles. Si nous sommes bousculés, les prédictions sur ce que nous ferons sont plus incertaines.
Des solutions ? Oui, je pense qu’il y en a : notamment du côté de la psychologie positive et de l’éducation en général. Inlassablement éduquer aux valeurs d’entraide et d’altruisme, en parler, en discuter, les mettre en œuvre sur de tout petits moments du quotidien… Que faire de mieux ?

Illustration : Les Pas perdus, de Jean Dubuffet, 1979.

mercredi 17 février 2010

Pensées d'architectes

"Très tôt dans la vie, j'ai dû choisir entre mon arrogance naturelle et une humilité de façade ; j'ai opté pour mon arrogance."
C'est de Franck Lloyd Wright, célèbre architecte américain. C'est une façon de faire passer l'arrogance pour de la sincérité, et l'humilité pour de la dissimulation, et on n'est pas obligé d'être d'accord. Mais c'est intéressant de savoir que certains voient le le monde ainsi...

PS : c'est mon ami Jacques-Franck De Gioanni qui cite ainsi FLW sur son blog, que je vous conseille de parcourir, si vous aimez le mélange architecture (beaucoup) et psychologie (un peu).

mardi 16 février 2010

Salut, œuvre d’art !


L’autre matin, alors qu’elle se préparait pour partir au lycée, et qu’elle cherchait son manteau, je passe à ma fille aînée une écharpe que j’avais achetée il y a bien longtemps, lors d’un séjour à Cambridge, une belle écharpe du Trinity College (bonne qualité ! plus de 25 ans après, elle est toujours en bon état…).
Elle l’essaye, vérifie dans la glace du salon que le look est OK, et me dit : « ça fait vraiment anglais, on se croirait dans Harry Potter ! » Alors, quand elle s’éloigne, je lui lance de loin : « Salut, Griffon d’Or ! » Et elle, qui a mal entendu, se retourne avec un grand sourire : « Qu’est-ce que tu m'as dit, papa ? Tu m’as dit : “Salut, œuvre d’art ?!?“ »
Je corrige (peut-être je n’aurais pas du ?) et nous éclatons de rire. Puis, en rentrant dans la maison, je réfléchis à la scène : qu’elle ait pu penser que je l’ai appelée « œuvre d’art » me réjouit. En voilà une au moins (j’en connais deux autres) qui ne doute pas un instant de mon admiration à son égard. J’espère que ça lui servira dans la vie...

Illustration : écharpe originale de Trinity College.

lundi 15 février 2010

Café et cigarette


C'est lors d'une discussion, l’autre jour, avec une étudiante en psychologie venue assister à quelques consultations à Sainte-Anne. Comme un patient est en retard, je lui propose d’aller boire un café en l’attendant, pendant que je fais un peu de courrier. Elle me raconte alors qu’elle ne boit pas de café, et qu’elle ne fume pas non plus…
Devant ma tête un peu surprise par cette confidence, dont je ne saisis pas clairement le pourquoi, elle me précise alors : « Oui, pas de café ni de cigarette. Et je me suis aperçue que c’était un problème, parfois. Par exemple, dans mes stages, le moment où les buveurs de café vont en boire un, ou celui où les fumeurs sortent s’en griller une devant la porte, ce sont des moments de détente, de socialisation, de partage. Et moi, comme je n'aime ni le café ni la cigarette, je n’y participais pas, et je restais travailler. Jusqu’à ce que je comprenne. Et que je les accompagne, même pour ne pas fumer ou pour boire autre chose, même si je n’avais pas soif. J’ai compris que derrière ces petites addictions du quotidien, il y a aussi des rituels sociaux, des addictions aux bavardages, aux échanges informels. Et que c’était un truc important…. »
C’est drôle, effectivement, que nous n’arrivions pas à dire : « tiens, on se prend une petite pause pour aller un peu marcher, respirer dehors, bavarder quelques instants. » Et qu’il nous faille le prétexte d’une tasse de café ou de quelques bouffées de nicotine …

Illustration de l'excellent Xavier Gorce. Oui, les pauses-café, ça fait partie du boulot, c'est un des menus détails qui motivent et créent du lien, comme disent les consultants...

vendredi 12 février 2010

Les sages ont-ils vraiment quelque chose de plus que nous ?


Peut-être bien que non.
Écoutez plutôt ces paroles d’Arnaud Desjardins, rapportées par Bernard Campan, dans un très beau livre avec Alexandre Jollien, La Philosophie de la joie, aux éditions Textuel :
«Qu’est-ce qu’un sage a de plus que nous ?» est une mauvaise question.
Il s’agit plutôt de se demander : «Qu’est-ce qu’un sage a de moins que nous ? Quelles peurs et quelles demandes avons-nous qu’il n’a plus ?»
C’est bien vu.
De quoi devons-nous nous débarrasser, nous alléger, pour arriver à un peu plus de sagesse ? La sagesse comme un dépouillement, et pas seulement comme un enrichissement, un empilement d’expériences et de réflexion. J’aime bien cette idée.

Illustration : Bouddha effectue avec ses mains le geste de l'enseignement, le vitarka mudra.

jeudi 11 février 2010

Assurance Manque de neige


Quel drôle de monde que le nôtre ! L’autre jour, je tombe sur une publicité pour une carte de crédit de luxe, qui permet à son possesseur d’accéder à tout un tas d’avantages, dont celui-ci : « La garantie exclusive Manque de neige » qui indemnise toute la famille « en cas de manque de neige pendant deux jours consécutifs ou de mauvaises conditions climatiques entraînant la fermeture d’au moins 50% des remontées ou des pistes, pendant au moins 5 heures ».
Je n’ai rien contre les assurances, et je comprends bien que c’est râlant de se frayer un chemin dans les grandes transhumances hivernales jusqu’à une montagne lointaine, et de ne pas pouvoir y skier. Mais, là, je suis perplexe.
On n’a pas des trucs plus importants à assurer que notre frustration à ne pouvoir skier ? Vers quoi ça nous pousse, ce genre d’habitudes ? Le jour où l’on pourra contrôler la météo, et faire neiger à volonté, nous serons tentés de le faire, pour notre seul bon plaisir ? Pas très normal ni rassurant, ce que prédit l’apparition de ce genre d’assurances. Ou alors, c’est que je deviens un vieux grincheux rouspétant contre son époque. C’est possible aussi…
Je repense en tout cas au slogan de Mai 68 « Jouir sans entraves ». Le voilà recyclé par notre société d’hyperconsommation : « Soyez assurés de pouvoir jouir sans entraves »…

Illustration : de la belle neige des Pyrénées, photographiée par Frédéric Richet.

mercredi 10 février 2010

Consolation

"Les enfances heureuses font des vies heureuses. Les enfances malheureuses, des vies fécondes."
C'est de la romancière Irène Nemirovski. C'est parfois vrai. Pas toujours, hélas. À quoi cela tient-il ?

mardi 9 février 2010

Admiration


L’autre jour, je donnais une conférence sur les états d'âme dans la crypte d’une église. À la fin de la rencontre, les responsables de l’association qui m’a invité rangent les tables et les chaises.
Puis j’en vois quelques-uns qui visiblement s’apprêtent à passer la nuit sur place : leur groupe a établi une permanence, et ils se relaient à plusieurs, chaque nuit, pour rester dormir avec des SDF accueillis dans leurs locaux, en cet hiver de grand froid.
Pour avoir un peu fréquenté, comme soignant notamment, la population des SDF, je sais que ce genre de nuits, c’est rarement une partie de plaisir : entre ceux qui délirent, ceux qui ont trop bu, ceux qui sont suicidaires, ceux qui sont très très sales, ceux qui ne décrochent pas un mot tellement ils vont mal dans leur tête, c’est souvent un sacerdoce.
Du coup, moi à qui l’on vient de faire des compliments pour mon topo, je me sens comme un imposteur : ce n’est pas moi qu’il faut admirer, mais eux. Pourtant j’ai reçu en quelques instants de passage plus de félicitations qu’eux. Drôle de monde. Même si je sais qu’ils et elles ne font pas ça pour ça.
Consolation et déculpabilisation : la conférence, pour laquelle il y avait un petit droit d’entrée, aura rapporté de l’argent pour soutenir toutes ces actions bénévoles. Ouf, je vais arriver à dormir…

lundi 8 février 2010

Mon ami et la psycho-neuro-immunologie


Malade, une sale sinusite surinfecté, bien pénible. Maux de tête, fièvre, fatigue. Je téléphone à l’ami chez qui nous devons nous rendre le soir même pour lui dire que je ne pourrai pas être là ; je suis triste, et j'ai beaucoup hésité, car je sais qu’il a aussi invité plein de gens que j’aime bien.
Il est un peu déçu, mais me réconforte par des paroles gentilles. Et en raccrochant, je me dis que non, c’est trop dommage ! Ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu, j’ai vraiment envie d’y aller quand même.
Ce ne sera sans doute pas une bonne opération du point de vue de ma santé, vu ma fièvre de cheval, mais je me motive moi-même avec de la psycho-neuro-immunologie. Vous savez, le principe c’est que notre psychisme influe sur notre système nerveux, qui influe sur notre immunité (le stress nous rend plus fragile face aux infections, et inversement le bon moral nous aide à mieux lutter).
Alors je me dis : sortir dans le froid pour voir ton ami, voir tous ces gens que tu aimes bien, ça va un peu t’enfoncer dans ta crève, mais si tu le vis comme un choix et non comme une obligation, ça va te faire plaisir et ça compensera.
Pour être honnête, ça n’a pas tout a fait bien marché, mon plan psycho-neuro-immunologique. Pas du tout, même : j'ai été trois fois plus malade les jours qui ont suivi.
Mais bon, je ne regrette rien, ça m’a vraiment fait plaisir de revoir mon vieux pote. Dans un an, je me souviendrai de la soirée, pas de la sinusite. Enfin, j’espère, on va voir comment ça va tourner, mon truc...

Illustration : deux amis jouant aux échecs ; celui de droite a mal à la tête à cause de sa sinusite.

vendredi 5 février 2010

Bright Star


C'est une scène magique dans le film de Jane Campion, Bright Star (qui raconte la vie du plus grand poète anglais, John Keats ; courrez-y vite, si vous ne l'avez pas encore vu !).

Sa fiancée, Fanny Brawne, vient d'apprendre que Keats est mort, à Rome, où il s'était rendu pour tenter de freiner l'évolution de sa tuberculose. Elle fond en larmes, puis s'effondre à genoux, et commence à s'asphyxier : elle ne peut plus respirer. Elle appelle sa mère au secours ; celle-ci accourt, et voit tout de suite que sa fille va peut-être mourir ainsi. Alors, elle ne dit rien, mais s'agenouille face à elle, front contre front, la prend par les épaules, et se met à respirer très fort, pour la ramener à la vie. Peu à peu, Fanny synchronyse son souffle sur celui de sa mère, et remonte lentement à la surface de son chagrin.

Pas de paroles pour sauver, juste le souffle, la respiration.

Cela me rappelle, en moins tragique évidemment, tout ce que nous faisons avec le souffle en psychothérapie, tout ce que nous essayons de transmettre à nos patients. Et évidemment aussi, tout ce que j'utilise pour moi-même : dans les moments de dérapage émotionnel, se recentrer vite sur son souffle, jusqu'à retrouver son discernement....

jeudi 4 février 2010

Ah ! Les parents...


Ma fille Louise qui me raconte l'autre jour à quel point une de ses amies n'a pas de chance : ses deux parents sont avocats !
"Tu comprends, quand il faut discuter les horaires d'ordinateur, ou négocier les sorties, elle est toujours à court d'arguments avec eux..."
J'approuve ; en effet, ça ne doit pas être commode. Mais tout à coup, je suis pris d'un doute, et je lui demande : "Euh... Et avec un père psy, c'est pas trop dur ?"
Et Louise, magnanime : "Mmm, c'est tout de même moins pire."

Illustration : une sympathique famille.

mercredi 3 février 2010

Abstinence

"Abstinent : personne faible qui cède à la tentation de se refuser un plaisir."
Ambrose Bierce, Dictionnaire du Diable.

C'est vrai que je n'avais jamais vu les choses comme ça...

mardi 2 février 2010

Simples mots


Ils n’y sont pour rien, et c’est notre problème davantage que le leur. Mais c’est comme ça : ils y a des mots qu’on aime et d’autres qui nous irritent. C’est bien sûr lié à ce qu’ils veulent dire ; mais aussi à leur usage abusif, et à l’idéologie qui nous semble se cacher derrière eux.
Pour moi par exemple, depuis des années, ce sont des mots tels que : challenge, ou défi. Dès que quelqu’un utilise ces mots dans une phrase, même anodine (« pour moi, c’était un challenge de reprendre le ski après des années sans en faire », « je me suis lancé un défi : arrêter la cigarette ») mon poil se hérisse instinctivement, à l'approche des valeurs de compétitions inutiles qu'ils sous-entendent.
Je sais que pour certaines personnes, notamment chez les thérapeutes, le mot évaluation produit le même effet. Alors que pour moi, il est neutre, voire légèrement positif (un univers psychothérapique sans évaluation représenterait à mes yeux un grand bazar du flou).
Et puis, il y a des mots que j’aime bien, surtout les mots mystérieux et poétiques : j’adore par exemple morganatique ou hypostase. J’oublie régulièrement ce qu’ils veulent dire. Alors je vais fouiner dans le dictionnaire, et je tombe sur d’autres mots poétiques. Le langage est vraiment quelque chose de magique : savoir que des humains ont éprouvé le besoin de mettre des noms sur des objets ou des phénomènes, et que ces noms sont à notre disposition, endormis quelque part dans un dictionnaire, c’est drôle comme ça m’émeut. Quelle chance nous avons d’appartenir à cette espèce !

lundi 1 février 2010

Nelson Mandela


« J’ai toujours su qu’au plus profond du cœur de l’homme résidaient la miséricorde et la générosité. Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de son passé, ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer, car l’amour naît plus naturellement dans le cœur de l’homme que son contraire. Même aux pires moments de la prison, quand mes camarades et moi étions à bout, j’ai toujours aperçu une lueur d’humanité chez un des gardiens, pendant une seconde peut-être, mais cela suffisait à me rassurer et à me permettre de continuer. La bonté de l’homme est une flamme qu’on peut cacher mais qu’on ne peut jamais éteindre. »

Voici ce qu'écrivait Nelson Mandela dans son livre Un long chemin vers la liberté, paru en 2002. C'est bon, non, de savoir que des humains semblables existent ? Ça ne console pas dans l'immédiat, si on n'est pas dans une bonne période, mais ça redonne envie d'agir. Vitamines pour l'optimisme...

PS : merci à Jacques Lecomte, qui m'a appris les sources de ce passage.