Je me trouvais l’autre jour au concert d’un ami pianiste. Comme d’habitude, à la fin, j’assiste à l’étrange rituel des rappels : lorsque tout est terminé, il est d’usage d’applaudir de manière à faire revenir l’artiste saluer le public, et ce, plusieurs fois ; c’est la même chose au théâtre. Je comprends bien le côté sympathique qu’il y a à marquer son contentement : les rappels sont alors comme la preuve que les spectateurs ont apprécié la performance offerte.
Mais outre le côté systématique (je n’ai jamais vu un public ne pas rappeler) qui démonétise la sincérité du rappel, outre le côté « on veut du rab, on veut un petit morceau de musique supplémentaire en guise de bonus », c’est oublier aussi qu’à ce moment, l’artiste est épuisé, et n’a qu’une envie : partir se reposer !
Je me suis toujours demandé ce qui le retenait de ne revenir qu’une seule fois sur scène et de dire : « Merci beaucoup, je suis très touché par votre gentillesse, et très heureux que le concert vous ait plu. Mais maintenant, je suis crevé et je n’ai qu’une envie : aller me coucher ! Je vous souhaite maintenant une belle soirée ! ». Et hop ! Le rideau retombe, les lumières se rallument, et c’est terminé.
Bon, enfin, je ne suis pas artiste, ni musicien ni acteur ! Juste conférencier, et c’est nettement moins stressant : j’ai le droit de bafouiller, d’avoir un trou de mémoire, de dire un mot à la place de l’autre, ce que ne peuvent en théorie pas faire les interprètes en musique ou au théâtre. Mais - vous allez me trouver bien grincheux - j’ai aussi un souci avec les applaudissements excessifs !
Récemment, je participais à une grande journée de conférences. À la fin de l’après-midi, tous les intervenants de la journée sont réunis pour une table ronde, et pour faire une sorte de bilan.
Et là, un truc agaçant survient : le public se met à applaudir à presque chaque phrase des premiers intervenants (qui en font peut-être un peu trop dans le registre des bonnes paroles que tout le monde a envie d’entendre, ou des bonnes blagues qui détendent après une dure journée).
Comme je suis sans doute un peu fatigué, ça m’agace plus que d’habitude, et lorsque mon tour de parler arrive, je demande à ce qu’on n’applaudisse pas tout le temps comme ça. Du coup, ça jette un petit froid dans la salle !
Et là, un truc agaçant survient : le public se met à applaudir à presque chaque phrase des premiers intervenants (qui en font peut-être un peu trop dans le registre des bonnes paroles que tout le monde a envie d’entendre, ou des bonnes blagues qui détendent après une dure journée).
Comme je suis sans doute un peu fatigué, ça m’agace plus que d’habitude, et lorsque mon tour de parler arrive, je demande à ce qu’on n’applaudisse pas tout le temps comme ça. Du coup, ça jette un petit froid dans la salle !
Mais je ne regrette pas ma sortie : ces applaudissements trop systématiques rendent les conférenciers cabotins ; je pense que ça nous pousse, même inconsciemment, à trouver de bons mots, à délivrer de bonnes paroles, celles que le public attend, et pas celles qui pourraient le déranger ou le réveiller.
Ça fait ressembler les conférences à des plateaux télévisés, où le public est sollicité pour applaudir sans arrêt ; ou à des réseaux sociaux où on ne retrouve que des gens qui pensent la même chose.
Ça fait ressembler les conférences à des plateaux télévisés, où le public est sollicité pour applaudir sans arrêt ; ou à des réseaux sociaux où on ne retrouve que des gens qui pensent la même chose.
La psychologie mérite mieux que ça, non ?
Illustration : applaudissements à l'Opéra...
PS : cet article a été publié dans Psychologies Magazine en février 2020
PPS : et c'était donc avant le Covid, et avant le touchant rituel des applaudissements aux soignants tous les soirs à 20h ; à propos de ce dernier, rien à critiquer, évidemment...