Je me souviens d'un petit dessin
humoristique, juste et drôle. C’est un couple qui est assis dans son lit,
chacun sur son oreiller, les bras croisés et l’air contrarié des gens qui sont
en train de se disputer. La dame demande au monsieur : « mais
pourquoi cries-tu si fort ? » Et le monsieur de répondre :
« parce que j’ai tort ! »
Je me rappelle aussi
l’impression ressentie lors de ma première lecture de « L’Art d’avoir
toujours raison » de Schopenhauer : ça m’avait fichu le spleen de
réaliser que certains lecteurs s’en inspireraient sans doute pour défendre leur
point de vue sans écouter celui de l’autre.
Il y a tellement de moments où nous voulons avoir
raison pour justement de très très mauvaises raisons ! Par orgueil, par
égoïsme, par intérêt, par entêtement, par paresse… Du coup, on n’est plus
crédible quant on s’attache à avoir raison pour de bonnes raisons, pour la défense
de nos idéaux plutôt que celle de notre égo.
Mais ce n’est pas facile d’échapper à cette
tentation !
Dans
son « Autoportrait au radiateur », le poète Christian Bobin
raconte ce moment d’un dialogue : « Je réponds n’importe quoi, je
réponds pour arrêter la question, pas pour l’éclairer. » Nous avons à nous
surveiller, régulièrement, de cette tentation de ne pas écouter, et de répondre
seulement pour nous soulager, pour faire taire l’autre, ou pour avoir raison.
C’est un travail régulier et passionnant d’autodiscipline et
d’auto-observation. Par exemple, lorsqu’on s’entraîne à méditer, on s’entraîne
aussi à écouter, à s’observer en train d’écouter. Et on découvre que bien
souvent, on n’écoute pas l’autre qui parle : mais on le juge, on compare
ses convictions avec les nôtres, on prépare ses propres réponses…
Alors qu’en écoutant vraiment autrui, sans chercher à savoir
qui a raison ou qui a tort, en cherchant juste à comprendre comment il voit les
choses, on entre dans un dialogue et on écarte l’affrontement de deux égos
devenus sourds l’un à l’autre…
Et vous, c’était quand
la dernière fois où vous avez senti qu’au lieu d’écouter vous cherchiez à avoir
raison ?
Illustration : un dialogue constructif.
PS : ce texte reprend ma chronique du 19 décembre 2017, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.