Ça se passe dans le train. De manière générale, les transports en
commun sont un excellent endroit pour côtoyer et observer des humains inconnus
; mais le train est ce qu’il y a de mieux car il offre la durée, que nous
n’avons pas toujours en métro, bus ou tramway.
Ce jour-là, je suis donc dans le train, en train d'observer les personnes assises tout autour de moi ; comme souvent maintenant, la plupart d’entre elles ont le regard fixé sur leur smartphone. Mais ce n’est pas cela qui m’intéresse ; qu’on s’en attriste ou qu’on s’en fiche, cette scène est devenue banale. Non, ce qui m’intéresse, c’est la tête qu’ils font.
Quelques uns ont des expressions impassibles. Certains ont l’air passionnés par ce qu’ils voient ou lisent. Beaucoup ont le visage crispé, les sourcils froncés, le front plissé, comme s’ils découvraient des informations préoccupantes. Bien peu d'entre sourient…
Du coup ça me donne envie de sourire ! Ce serait étonnant que toutes ces personnes soient en train d’apprendre de si mauvaises nouvelles sur leurs écrans ; c’est juste une habitude (mauvaise). Si ce qu’elles découvrent, ce sont des nouvelles banales, elles devraient sourire. Pas forcément sourire à ce qu’elles voient sur leur écran, mais sourire à la vie : elles sont bien assises, ont de quoi se payer un voyage en train, des vêtements, un smartphone coûteux.
Je repense à toutes ces études qui montrent les vertus du sourire : faire doucement sourire notre visage fait sourire notre cerveau, élève le niveau de nos émotions positives, qui font du bien à notre santé, et du bien aux personnes autour de nous (eh oui, des visages souriants et bienveillants font du bien, là où des visages renfrognés ou hostiles attristent).
Du coup, je me mets à sourire tout seul, en regardant par la fenêtre, en sentant mon corps qui respire, en devinant mon cœur qui bat, en me réjouissant de la beauté et de l'intérêt du monde. Je ne suis vraiment pas pressé de mourir, c'est tellement intéressant d'être ici !
Mais quand le jour viendra, je serai plein de gratitude envers … (cochez la case qui vous convient à vous : mon Dieu créateur, la Nature, mes parents, ma famille) de m'avoir permis de traverser tout ça. J'ai un peu envie de pleurer de joie, tout en continuant de sourire.
Mon portable est devant moi, éteint, dans son étui. Même pas envie de regarder si j'ai des messages. À cet instant, je n'ai besoin de rien qui ne soit déjà là. Et tout ça est parti d'un tout petit sourire...
Merci mes voisins de train de m'avoir ouvert les yeux ainsi, avec vos pauvres visages crispés ! J'espère que cette petite grâce qui vient d'éclairer ce moment ma vie vous touchera bientôt.
Au fait, et vous, qui me lisez, quelle tête faites-vous à cet instant ?
Illustration : Albaydé, par Alexandre Cabanel, 1848.
PS : cet article a été initialement publié dans Psychologies Magazine en juin 2017.
Ce jour-là, je suis donc dans le train, en train d'observer les personnes assises tout autour de moi ; comme souvent maintenant, la plupart d’entre elles ont le regard fixé sur leur smartphone. Mais ce n’est pas cela qui m’intéresse ; qu’on s’en attriste ou qu’on s’en fiche, cette scène est devenue banale. Non, ce qui m’intéresse, c’est la tête qu’ils font.
Quelques uns ont des expressions impassibles. Certains ont l’air passionnés par ce qu’ils voient ou lisent. Beaucoup ont le visage crispé, les sourcils froncés, le front plissé, comme s’ils découvraient des informations préoccupantes. Bien peu d'entre sourient…
Du coup ça me donne envie de sourire ! Ce serait étonnant que toutes ces personnes soient en train d’apprendre de si mauvaises nouvelles sur leurs écrans ; c’est juste une habitude (mauvaise). Si ce qu’elles découvrent, ce sont des nouvelles banales, elles devraient sourire. Pas forcément sourire à ce qu’elles voient sur leur écran, mais sourire à la vie : elles sont bien assises, ont de quoi se payer un voyage en train, des vêtements, un smartphone coûteux.
Je repense à toutes ces études qui montrent les vertus du sourire : faire doucement sourire notre visage fait sourire notre cerveau, élève le niveau de nos émotions positives, qui font du bien à notre santé, et du bien aux personnes autour de nous (eh oui, des visages souriants et bienveillants font du bien, là où des visages renfrognés ou hostiles attristent).
Du coup, je me mets à sourire tout seul, en regardant par la fenêtre, en sentant mon corps qui respire, en devinant mon cœur qui bat, en me réjouissant de la beauté et de l'intérêt du monde. Je ne suis vraiment pas pressé de mourir, c'est tellement intéressant d'être ici !
Mais quand le jour viendra, je serai plein de gratitude envers … (cochez la case qui vous convient à vous : mon Dieu créateur, la Nature, mes parents, ma famille) de m'avoir permis de traverser tout ça. J'ai un peu envie de pleurer de joie, tout en continuant de sourire.
Mon portable est devant moi, éteint, dans son étui. Même pas envie de regarder si j'ai des messages. À cet instant, je n'ai besoin de rien qui ne soit déjà là. Et tout ça est parti d'un tout petit sourire...
Merci mes voisins de train de m'avoir ouvert les yeux ainsi, avec vos pauvres visages crispés ! J'espère que cette petite grâce qui vient d'éclairer ce moment ma vie vous touchera bientôt.
Au fait, et vous, qui me lisez, quelle tête faites-vous à cet instant ?
Illustration : Albaydé, par Alexandre Cabanel, 1848.
PS : cet article a été initialement publié dans Psychologies Magazine en juin 2017.