jeudi 14 janvier 2010
Le sourire de la boulangère
Je suis en train d’acheter du pain dans une boulangerie loin de mon quartier. C’est 19h25, la fermeture approche. Plus beaucoup de choix de pains. Devant moi, une jeune femme demande si elle peut prendre une demie baguette d’un pain complet restant. Elle précise : « c’est juste pour me faire un sandwich ».
Et la boulangère lui dit non. Alors qu’elle ferme dans 5 minutes et que sa baguette va peut-être lui rester sur les bras. Mais ce qui me frappe, c’est qu’elle dit ça avec un sourire très gentil, ni factice, ni provoquant, ni embarrassé. Un vrai sourire, où il y a tout : qu’elle comprend bien, mais que c’est non. Pas de justifications, pas de mauvaise humeur : juste un « non » calme et souriant. Franchement, à sa place, il me semble que je l’aurais donnée, la demie baguette de pain complet. Mais ce n’est pas ça qui m’intéresse le plus.
Ce qui m’intéresse, c’est que son sourire marche fantastiquement : la cliente, qui n’a pas l’air commode pourtant, semble un peu décontenancée et par le refus et par le sourire, puis dit, en souriant elle aussi : « bon, je la prends en entier », et se met à bavarder de je ne sais plus quoi avec la boulangère.
Je repense alors à la boulangère de mon quartier, souvent revêche et peu souriante (mais son pain est très bon !). Confrontée à ce genre de situation, elle dit non, mais avec un air tellement plein de mauvaise humeur, que ce non devient une agression. Alors que le non auquel je viens d’assister, qui pose les mêmes problèmes matériels (prendre le pain entier ou pas de pain du tout) se passe tellement mieux au plan relationnel !
Certains diront : oui, mais l’essentiel, c’est le pain. Pas si sûr: le lien, ça compte aussi. Pain et lien, deux nourritures de l’humain…