Vous connaissez le test de Rorschach ? Vous savez, on vous montre des feuilles avec des taches de formes variées mais ne représentant rien de précis, et on vous demande à chaque fois ce que ça vous inspire.
Bon, alors justement, c’est l’histoire d’un psy qui fait passer un test de Rorschach à un de ses patients. À la première planche, le patient lui dit : « Ah ! Là, je vois une femme avec des gros seins ». À la seconde : « Ah ! Là, je vois un sexe en érection ». À la troisième : « C’est un homme et une femme en train de s’accoupler sauvagement ». À la quatrième : « Évident, c’est un clitoris de profil ».
Le psy n’en peut plus, range ses planches et lui dit : « Cher Monsieur, inutile de continuer ; le diagnostic est clair : vous êtes obsédé sexuel. » Et le patient, furieux, de répondre : « Moi, obsédé sexuel ? C’est vous qui avez un problème avec le sexe ! Vous n’arrêtez pas de me montrer des images pornographiques depuis tout à l’heure ! »
Sincèrement, parler de sexe ça n'est pas mon truc ! C’est peut-être une question d’âge ? Il ne faut pas oublier que je fais partie des personnes qui ont grandi dans une société où parler de ça, ça ne se faisait pas ; d’une génération qui a accompli une grande part de son éducation sentimentale et sexuelle au son des slows, ces morceaux de musique sentimentaux et langoureux qui permettaient de danser étroitement collés l’un à l’autre. Ça n’existe plus ces trucs là, non ? Quel dommage ! C’était fou, les slows, ça faisait quand même bien bouger les cœurs et tout le reste.
Bref, le sexe, m’en occuper : oui, en parler : non. Je vais plutôt vous parler de bonheur, tiens, ou même de sexe et de bonheur. Voilà : que peut-on dire des rapports entre sexe et bonheur ?
D’abord, que certaines personnes n’ont pas besoin de sexe pour être heureuses, voire très heureuses : on en rencontre beaucoup par exemple dans les communautés religieuses, mais pas seulement. Que cela soit chez elles du refoulement, du renoncement, de la sublimation, ou tout simplement la priorité donnée à d’autres bonheurs qu’elles jugent plus importants, comme ceux de l’engagement social, artistique, religieux, elles peuvent être heureuses sans vie sexuelle.
Puis, que ces rapports entre sexe et bonheur relèvent de multiples mécanismes.
Bien sûr, le sexe offre du plaisir, un plaisir inné et nécessaire, que nous sommes biologiquement programmés pour ressentir, car il est indispensable à la survie de notre espèce. Si le sexe ne nous faisait pas plaisir, notre espèce disparaîtrait vite ! Pourquoi, en effet, se fatiguer à chercher un ou une partenaire ? Pourquoi faire des efforts pour le ou la convaincre de faire crac-crac ? Pourquoi se dépenser physiquement pendant l’accouplement, en gigotant dans tous les sens ? Quel intérêt à cette débauche d’énergie, s’il n’y a pas la récompense du plaisir ? Mieux vaut rester tranquille dans son coin, à regarder passer les nuages…
Mais comme tous les plaisirs, le sexe ne suffit pas à nous rendre heureux, il faut pour cela qu’il ait du sens. Du sens parce que nous avons avec notre partenaire d’autres liens que ceux du seul sexe ; du sens parce que nous savons savourer notre plaisir et en être ému, nous abandonner et ainsi amplifier ce plaisir animal et le voir se transformer en un sentiment de plénitude qui nous échappe et nous dépasse.
Un autre mécanisme important reliant sexe et bonheur est que l’activité sexuelle nous absorbe et mobilise en général toute notre attention. Dans une très intéressante et importante étude sur les liens entre attention et bien-être, une équipe de chercheurs avait montré que la sexualité était la seule activité humaine durant laquelle la plupart des personnes restaient totalement concentrées (au lieu de penser à autre chose ou de regarder l’écran de leur portable). Et que plus notre attention est stable, plus nous avons de chance de nous sentir heureux. C’est pourquoi, le sexe nous offre beaucoup plus de bonheur que nos smartphones. Je suppose que vous l’aviez remarqué. Mais avez-vous calculé votre ratio hebdomadaire entre temps de sexe et temps d’écran ? Allez, au boulot !
Au fait, et vous, vous parlez facilement de sexe avec vos proches ?
Illustration : Tristan et Iseut (Edmund Blair Leighton, 1902).
PS : ce texte reprend ma chronique du 23 avril 2019 sur France Inter dans l'émission Grand Bien Vous Fasse, d'Ali Rebeihi.
Illustration : Tristan et Iseut (Edmund Blair Leighton, 1902).
PS : ce texte reprend ma chronique du 23 avril 2019 sur France Inter dans l'émission Grand Bien Vous Fasse, d'Ali Rebeihi.