Vaut-il mieux plaire ou
séduire ?
Pour certains, séduire, c’est bien. C’est nécessaire, et
même indispensable pour toute vie en société : un prof s’efforce de
séduire ses nouveaux élèves, un salarié ses nouveaux collègues, un amoureux son
amoureuse, ou une amoureuse son amoureux, etc.
Pour d’autres, séduire, c’est un mensonge, une
tromperie : séduire, c’est se faire plus beau ou plus belle qu’on n’est,
parce qu’on a une idée derrière la tête, ou ailleurs. C’est promettre sans se
sentir toujours obligé de tenir ses promesses. C’est effectivement un peu
manipuler, si on entend par manipulation une influence qu’on exerce sur autrui
en s’efforçant de lui cacher ce qu’on veut obtenir.
Et la question, finalement, c’est de savoir s’il faut
vraiment chercher à séduire, ou bien se contenter de plaire ? Une fois que
le jeune homme a séduit sa petite amie, doit-il ensuite séduire ses
beaux-parents, etc ? Ou bien peut-il juste se contenter de leur
plaire ?
Il y a, me semble-t-il, dans la séduction quelque chose de
calculé, de stratégique, une activité dirigée vers un but ; et aussi un
mensonge - ou plusieurs -, et des calculs que l’on cache.
Dans le fait de plaire, il y a quelque chose de plus calme,
mais aussi de plus franc : on se présente tel qu’on est, sans s’embellir,
sans promouvoir ses qualités, sans
cacher ses défauts. Moins de mensonge avant, moins déception ensuite…
Plaire c’est ne rien promettre, séduire c’est s’efforcer de
plaire en accéléré. Comme dans le Donjuanisme…, chanté par exemple par le talentueux et démodé Claude Nougaro. Dans le donjuanisme, qui peut concerner aussi les femmes, le plaisir
de séduire ne peut jamais cesser, jamais se calmer ; on séduit pour amener
autrui à soi, pour faire ce qu’on a à faire, puis on l’abandonne pour passer à
quelqu’un d’autre.
Dans l’hystérie, qui peut concerner aussi les hommes, c’est
l’angoisse de ne pas plaire qui pousse à vouloir séduire toutes les personnes
qui nous plaisent, à érotiser tous les rapports sociaux, à beaucoup promettre
sans jamais pouvoir donner.
Donjuanisme et
hystérie sont les formes maladives du besoin de séduire, et induisent
évidemment beaucoup de souffrances chez les victimes qui se font prendre au
piège de ce genre de séduction à vide, sans la moindre intention de construire.
Le moteur de la séduction ne s’arrête jamais de tourner, et nécessite un
mouvement permanent, un recherche constante de nouvelles cibles à séduire. Gare aux
personnes fragiles, qui une fois apprivoisées se feront abandonner. Dans
ces séductions pathologiques, on promet de beaucoup donner, mais en réalité on
s’apprête à beaucoup prendre, on promet de construire mais on s’apprête à
détruire.
Quand je vois quelqu’un en faire des tonnes pour séduire, je me
demande toujours où est le problème ? Pourquoi tous ces efforts pour
convaincre qu’on a du charme et de la valeur ? Pourquoi cette hâte,
pourquoi ne pas attendre tout simplement de plaire ? Et supporter
éventuellement de ne pas plaire ?
Mais bon, c’est parce que je suis psychiatre peut-être, parce que
derrière toute tentative excessive de séduction, je sens le manque :
manque de confiance en soi, manque de sécurité intérieure, manque d’intérêt
réel pour autrui… Déformation professionnelle, peut-être. Ou peut-être pas,
allez savoir…
Et vous, vous avez
choisi dans votre vie, entre plaire et séduire ?
Illustration : un mariage au Canada, au siècle dernier. Se sont-ils mutuellement plus ou séduits ?
PS : ce texte reprend ma chronique du 17 avril 2018, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.
PS : ce texte reprend ma chronique du 17 avril 2018, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.