lundi 19 février 2018
jeudi 15 février 2018
L’histoire de nos émotions
Je parlais l’autre jour avec un vieux copain de la manière
dont les humains changent, ou non, avec le temps. Nous parlions, plus précisément, de l’histoire de nos émotions...
Nous avons d’abord discuté de nos proches : « Celui-ci
a beaucoup progressé, il était tellement plus colérique autrefois ! »
« Celle-là, pas vraiment, elle a toujours cette sorte d’angoisse de ne pas
être au centre de toutes les attentions… »
Puis, nous nous sommes penchés sur nous-mêmes, en nous
demandant, bien sûr, si nous aussi nous avions changé…
Évidemment, en l’absence de contradicteurs (et de
contradicteuses : nos épouses n’étaient pas là) nous sommes tombés
d’accord sur le fait que nous, contrairement à Julio Iglesias, nous avions
changé - changé en bien, évidemment - et que les choses continuaient de
s’améliorer, année après année !
Et ce qui avait le plus changé en nous, c’était nos émotions : nous en
sommes vite arrivés à la conclusion qu’avec le temps, nous ressentions moins
d’émotions douloureuses (moins d’anxiété, de découragements, d’énervements…) et
plus d’émotions agréables (curiosité, bienveillance, capacité à savourer…).
Attention ! nous n’étions pas en train de nous raconter des
histoires pour nous rassurer ou nous vanter : les études de psychologie ou
de neurosciences retrouvent clairement ce genre de données chez la plupart des
adultes. Ainsi, avec le temps, les amygdales cérébrales, ces petites zones du
cerveau qui traitent les données émotionnelles, ont tendance à beaucoup plus réagir
aux situations agréables, et moins aux situations désagréables. De même, quand
on avance en âge, notre attention, elle aussi, tend à rester posée moins
longtemps sur ce qui ne va pas, et préfère se tourner vers ce qui va bien.
Le seul point sur lequel nous n’étions pas d’accord était
l’explication de ces changements favorables. Mon copain disait que chez lui, ça
s’était fait tout seul, naturellement, par l’expérience : à force de
traverser des angoisses inutiles, des énervements absurdes, des désespoirs transitoires,
son cerveau avait peu à peu tiré les leçons de tout ça. Un peu comme dans la
formule du philosophe Cioran : « Nous sommes tous des farceurs :
nous survivons à nos problèmes ! »
De mon côté, il me semblait que mes progrès étaient dus à mes
efforts - introspection, méditation, et tous les nombreux chantiers de ma vie
intérieure - ; et que durant les périodes où je relâchais ces efforts, les
émotions toxiques refaisaient vite surface, ou plutôt, reprenaient vite les
commandes dans mon cerveau. Mais après tout, si nos efforts nous font du bien,
cela n’est pas si méchant d’avoir à les maintenir…
Nous avons conclu notre discussion en nous interrogeant sur notre avenir
dans le grand âge : serons-nous devenus totalement sages et apaisés ?
Rendez-vous dans une ou deux décennies, si Dieu nous prête vie…
Et vous, quelles sont les émotions qui ont changé en vous ?
Illustration : amour et bienveillance, des émotions pour réchauffer nos coeurs...
PS : ce texte reprend ma chronique du 30 janvier 2018, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.
Et vous, quelles sont les émotions qui ont changé en vous ?
Illustration : amour et bienveillance, des émotions pour réchauffer nos coeurs...
PS : ce texte reprend ma chronique du 30 janvier 2018, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.
vendredi 9 février 2018
Comme d’habitude
Parce que quand on fait la liste de tous les obstacles
au changement, c’est vraiment impressionnant.
Il y a d'abord notre cerveau qui cherche à tout prix à éviter les pertes plutôt qu’à obtenir des gains ; or, dans tout changement, il y a bien sûr des pertes et des gains.
Puis, la tendance à économiser notre énergie mentale et physique, et donc à préférer rester dans nos habitudes plutôt que d’affronter le stress et les efforts du changement ; or, beaucoup de changements, même agréables comme déménager, se marier, avoir un enfant, comportent des moments stressants, voire épuisants.
Enfin, notre préférence pour ce qui est concret, et facile à comprendre et à visualiser, plutôt que pour ce qui est abstrait et virtuel ; or, par définition, le changement c’est souvent lâcher quelque chose qui existe et que l’on connaît pour aller vers quelque chose qui n’existe pas encore et que l’on ne connaît pas… D’où le proverbe « un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras », et autres « il ne faut pas lâcher la proie pour l’ombre ».
D’où le fait que l’humain, même s’il s’en plaint, est tout de même profondément attaché à ses petites habitudes…
Il y a d'abord notre cerveau qui cherche à tout prix à éviter les pertes plutôt qu’à obtenir des gains ; or, dans tout changement, il y a bien sûr des pertes et des gains.
Puis, la tendance à économiser notre énergie mentale et physique, et donc à préférer rester dans nos habitudes plutôt que d’affronter le stress et les efforts du changement ; or, beaucoup de changements, même agréables comme déménager, se marier, avoir un enfant, comportent des moments stressants, voire épuisants.
Enfin, notre préférence pour ce qui est concret, et facile à comprendre et à visualiser, plutôt que pour ce qui est abstrait et virtuel ; or, par définition, le changement c’est souvent lâcher quelque chose qui existe et que l’on connaît pour aller vers quelque chose qui n’existe pas encore et que l’on ne connaît pas… D’où le proverbe « un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras », et autres « il ne faut pas lâcher la proie pour l’ombre ».
D’où le fait que l’humain, même s’il s’en plaint, est tout de même profondément attaché à ses petites habitudes…
Ah, les
habitudes ! Ces petits freins au changement, discrets, familiers et
omniprésents…
Mais qu’est-ce qui fait alors, malgré toutes ces capacités à l’inertie en nous, qu’est-ce qui fait que les changements surviennent tout de même, et - fort heureusement – bien plus souvent que nous ne le voudrions ?
D’abord, parce
que la vie nous bouscule, que les autres nous bousculent, et qu’on ne nous
demande pas toujours notre avis. Si nous étions consultés à chaque fois,
beaucoup de choses ne bougeraient pas !
Et puis, parce
que nos émotions nous sauvent. Je ne parle pas des émotions négatives, de nos
peurs et de nos craintes, mais de nos émotions positives : bonheur,
bien-être, confiance, curiosité, enthousiasme, bienveillance, sérénité, etc.
Chaque fois qu’elles nous visitent, elles nous ouvrent à la nouveauté, et le
changement devient attirant et motivant. Dans toutes les espèces animales, les
émotions fonctionnent ainsi : les négatives sont associées à la méfiance
et au recul, à la réticence au changement ; et les positives à la
confiance et à l’approche, à l’appétence pour le changement.
C’est pour cela que nous avons intérêt à changer
lorsque tout va bien et que nous sommes en forme et de bonne humeur ! Si nous
attendons le dernier moment, la crise et les difficultés, nous serons alors
sous perfusion d’émotions négatives, et le changement sera beaucoup plus
difficile et douloureux.
Et au fait, vous, quel
est le changement actuellement en chantier dans votre vie ?
Illustration : en Inde, quand ils sont de sortie, les éléphants ont pour habitude de se maquiller légèrement. Bon, je rigole mais j'espère que ce n'est pas trop pénible pour eux, tous ces falbalas...
PS : ce texte reprend ma chronique du 5 décembre 2017, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.
lundi 5 février 2018
vendredi 2 février 2018
Cauchemars
Parfois, je pense à tous les cauchemars que j’ai faits dans ma vie, comme
beaucoup d’entre nous. Que d’aventures !
J’ai
étouffé dans des tunnels en faisant de la spéléologie ; plus j’avançais,
plus ils devenaient étroits, et je ne pouvais pas faire marche arrière. J’ai
été attaqué par des dizaines d’assassins qui voulaient ma peau ; mais je
ne me suis pas laissé faire, et je leur ai distribué des grands coups en
poussant des cris terribles. Je suis tombé dans le vide un nombre incroyable de
fois. Je me suis noyé. Je suis sorti tout nu dans la rue, parce que j’étais
très pressé et que j’avais oublié de
m’habiller. J’ai été attaqué par des chiens, des lions, des requins. Mais
jamais, jamais par des aigles noirs. Ou alors, j'ai oublié...
Un de mes cauchemars récents les plus étranges mettait en scène mon copain Ali Rebeihi, de France Inter. Pour nous rendre à la Maison
de la Radio, nous venions de voler une grosse BMW noire, un vieux modèle pas
terrible, une voiture de petits brigands de seconde zone. Dans le rêve, c’est
Ali qui conduit : mal, trop vite, parce que la police nous poursuit déjà. A
un moment, pour leur échapper, il descend sur une rampe destinée aux
bateaux, et nous tombons dans le port avec la voiture. Gros coup d’angoisse
pour sortir et ouvrir les portières, j’ai le temps de me dire « on va se
noyer », mais on y arrive.
Les policiers nous attendent sur le quai, et ils commencent à nous interroger. Je comprends qu’il veulent que j'accuse Ali, que je leur dise que c’est lui le coupable, et qu'il m’a entraîné dans cette aventure. Au début, je n’ai pas compris, alors je raconte que c’est lui qui a eu effectivement l’idée de voler la voiture. Puis je comprends leur manœuvre, et je modifie mes arguments, je procède comme un avocat et je retourne la situation pour le disculper.
Le chef des policiers comprend qu’il a perdu la partie, et me dit « bien joué ! » Là, je m’aperçois qu’en fait c’est un hippopotame, car il ouvre alors la bouche en grand et il a plein d’énormes dents pourries (ça, c’est parce que je suis en soins chez le dentiste au moment du cauchemar). Il me dit « servez-vous », et je comprends que je dois prendre un des nombreux cure-dents qu’il y a dans sa bouche, plantés à côté de ses chicots jaunâtres. Il veut qu’on prenne l’apéro avec lui. Je lui arrache un cure-dents de la mâchoire, mais je trouve ça répugnant, l’idée de piquer les olives à apéritif avec ce machin dégoutant. J’ai une énorme bouffée de dégoût, et ça me réveille…
Les policiers nous attendent sur le quai, et ils commencent à nous interroger. Je comprends qu’il veulent que j'accuse Ali, que je leur dise que c’est lui le coupable, et qu'il m’a entraîné dans cette aventure. Au début, je n’ai pas compris, alors je raconte que c’est lui qui a eu effectivement l’idée de voler la voiture. Puis je comprends leur manœuvre, et je modifie mes arguments, je procède comme un avocat et je retourne la situation pour le disculper.
Le chef des policiers comprend qu’il a perdu la partie, et me dit « bien joué ! » Là, je m’aperçois qu’en fait c’est un hippopotame, car il ouvre alors la bouche en grand et il a plein d’énormes dents pourries (ça, c’est parce que je suis en soins chez le dentiste au moment du cauchemar). Il me dit « servez-vous », et je comprends que je dois prendre un des nombreux cure-dents qu’il y a dans sa bouche, plantés à côté de ses chicots jaunâtres. Il veut qu’on prenne l’apéro avec lui. Je lui arrache un cure-dents de la mâchoire, mais je trouve ça répugnant, l’idée de piquer les olives à apéritif avec ce machin dégoutant. J’ai une énorme bouffée de dégoût, et ça me réveille…
Bon, enfin, ça ce sont mes petites histoires. Mais que
faire quand on cauchemarde régulièrement ?
D’abord comprendre que, comme pour tous nos rêves, ces
scénarios nocturnes qui nous agitent traduisent souvent des préoccupations non
réglées ou des aspirations non accomplies. Pas forcément besoin de chercher
trop loin des explications ésotériques : si nous cauchemardons, c’est que
nous avons, dans notre présent ou notre passé, des événements à forte charge
émotionnelle, à affronter ou à digérer.
Pour nous aider, nous pouvons en parler, à nos amis ou
nos proches, ça s’appelle le soutien social ; nous pouvons les mettre par
écrit, ça n’a l’air de rien mais ça fait beaucoup de bien, et ça s’appelle un journal ;
nous pouvons aussi nous apaiser avant de nous endormir, faire infuser un peu de
calme dans notre cerveau, en nous relaxant, ou y faire infuser un peu de joie,
en repensant aux petits bons moments de la journée.
Et puis se dire qu’en général, avec le temps qui
passe, les cauchemars sont de moins en moins fréquents et de moins en moins
violents…
Mais tout de même, je
repense à un truc qui me tracasse à propos de cette voiture qu’on a volé
tous les deux cette nuit-là : est-ce qu'Ali, grand piéton devant l'éternel, a son permis de conduire ?
Illustration : le chef des policiers nous poursuivant pour l'interrogatoire.
PS : ce texte reprend ma chronique du 12 décembre 2017, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.
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