La scène se passe
l’été dernier, au petit déjeuner, lors d’une discussion avec des amis chez qui
nous sommes en vacances. Vous avez remarqué combien les grands débats au
petit déjeuner sont un des marqueurs du temps des vacances ? On traîne à table,
on prend son temps dès le matin, ce qu’on ne fait guère durant l’année, où le
travail nous attend. On écoute sans juger, on est réceptif…
Nous sommes ce
matin-là en train de discuter des personnalités difficiles, pénibles, des gens
qui nous cassent les pieds dans les temps de cohabitation comme les vacances,
et surtout les proches à problèmes. Nous en arrivons à la conclusion que, parce
qu’on les connaît bien, parce qu’on sait pourquoi ils sont comme ça (soucis
personnels, enfances compliquées, vies insatisfaisantes…) alors, on leur
pardonne et on les supporte en soupirant.
Mais un de nos amis hausse
le ton et rouspète : « Ben oui, mais alors on ne s’en sort
plus ! Si sous prétexte que quelqu’un a des problèmes, on ne peut plus
rien lui dire, s’il faut supporter tous ses comportements, faire les courses et
desservir la table à sa place, se l’appuyer en vacances, alors que tout va
mieux quand il n’est pas là, on va où ? Tout le monde a des
problèmes ! Qui n’a pas de problèmes autour de cette table ? Levez le
doigt ! »
Coup de génie !
Il arrête d’argumenter pour nous impliquer. Évidemment, tout le monde dans le
groupe a des problèmes, même s’ils sont mis entre parenthèses le temps des
vacances : l’une est en plein divorce, l’autre a des soucis de santé
importants, un troisième accompagne sa sœur mourante…
L’ami reprend :
« Voilà ! On a tous des problèmes ! Mais la correction et
la dignité c’est de ne pas faire chier les autres avec ses problèmes !
C’est ça la névrose, ce n’est pas d’avoir des problèmes, d’avoir une histoire
personnelle compliquée, mais c’est de les faire peser sur les autres, ses
problèmes ! » Le débat démarre, mais je n’y participe pas. Je suis en
train de suivre mes pensées…
Je me dis que ce
n’est pas si mal comme définition ! Ce n’est pas celle que j’utiliserai
dans mon métier, mais au fond, c’est un repère simple, à la fois pour chacun de
nous (« est-ce que je ne suis pas en train de peser sur autrui avec mes
soucis ? ») et pour la cohabitation avec nos proches compliqués
(« j’ai moi aussi le droit de profiter de mes vacances, et de la vie, sans
passer mon temps à écouter ses plaintes et à faire sa part de travail »).
La psychologie, c’est bien, ça nous aide à ne pas juger et réagir trop vite, à avoir une vision plus complexe et subtile des humains ; mais parfois c’est bien aussi de revenir à quelques fondamentaux simples. Cela n’empêche pas compréhension, bienveillance, et compassion par ailleurs. Mais c’est un petit rappel de nos droits personnels qui ne fait pas de mal…
La psychologie, c’est bien, ça nous aide à ne pas juger et réagir trop vite, à avoir une vision plus complexe et subtile des humains ; mais parfois c’est bien aussi de revenir à quelques fondamentaux simples. Cela n’empêche pas compréhension, bienveillance, et compassion par ailleurs. Mais c’est un petit rappel de nos droits personnels qui ne fait pas de mal…
Illustration : un poisson qui n'a plus de problèmes (mosaïque à Pompéi).
PS : cet article a été initialement publié dans Psychologies Magazine en novembre 2017.