jeudi 25 novembre 2010

Une grande question


C'est dans le TGV Rennes-Paris, en revenant d'une conférence. Il y a deux gamins qui mettent un souk pas possible : ils parlent très fort, se disputent, hurlent pour attirer l’attention de la mère.

Celle-ci est exaspérée, peut-être épuisée, et fonctionne (malheureusement pour elle, pour ses enfants et pour les passagers) sur le registre : ne rien dire, puis exploser, hurler et menacer, mais de façon irréaliste : «à la prochaine gare, tu descends tout seul sur le quai...»

Tu parles que ça les impressionne, les deux lascars... Ils sont habitués à ces menaces bidon. La mère ne les punit pas, jamais, elle prononce de temps en temps des «chut !» désespérés et impuissants quand les passagers alentour relèvent la tête après un hurlement surpuissant d’un des deux petits agités.

Mais à un moment, un peu fatigués, ils commencent à dire des choses intéressantes.

Notamment cette drôle de question, en voyant qu'il reste des personnes sur le quai lorsque nous redémarrons de je ne sais plus quel arrêt : «pourquoi les gens ils sont pas tous dans le train ?»

C'est vrai ça, pourquoi tout le monde n’est pas dans le train, avec nous ?

Évidemment, ça nous paraît une question de peu de sens. Mais c’est sa vision du monde : si lui y est, alors tout le monde devrait y être. Finalement, nous continuons de nous poser ce genre de questions une fois adultes : si la vie est un voyage en train, pourquoi il y a des gens qui descendent, et dans ce cas où vont-ils ? Et pourquoi des gens montent (naissent) ? Et avant, où étaient-ils ?

Du coup, les deux gamins me semblent moins mal élevés, et je ne vois plus seulement en eux deux sales gosses, mais deux petits garçons avec de grandes questions existentielles. En plus, ils finissent par se fatiguer et somnoler, je vais pouvoir finir mon voyage tranquille et me poser moi aussi des questions sans réponse...

Illustration : un passager de TGV un peu agacé par le boucan que font deux jeunes enfants moyennement bien élevés...