Nous sommes déjà morts, des dizaines de fois.
Sans le savoir.
Des dizaines de fois, nous nous sommes décomposés et recomposés.
De chagrin, de joie ; en quittant des proches, un lieu ; en étant expulsés de notre enfance, de notre jeunesse, ou accueillis en amitié ou en amour ; en tombant malades, en guérissant ; en étant abandonnés ou consacrés.
Décomposition de ce que nous étions, recomposition d’une autre personne ; nous et pas nous ; avec les mêmes ingrédients, mais un agencement différent.
Il y a aussi toutes les molécules de notre corps qui se renouvellent en quelques années (il me semble avoir lu ça quelque part, mais j’avoue que je n’ai pas vérifié à des sources scientifiques).
Morts et ressuscités, donc, régulièrement.
Bref, avec tout ça, pourquoi continuons-nous d’avoir si peur de la mort ? Parce que nous ne sommes pas assez conscients de ces permanentes décompositions et recompositions ? Peut-être bien. Essayons alors de tourner plus souvent notre esprit vers elles. De regarder plus souvent les nuages passer, apparaître, disparaître ; passer aussi le cycle des saisons. Accueillir toute cette impermanence encore plus joyeusement et profondément en nous…
Illustration : Henri Cartier-Bresson. Srinagar, Cachemire, 1948. Femmes musulmanes priant sur la colline Hari Parbal, en direction du soleil levant derrière l'Himalaya.