Comme je parle souvent de méditation, et de l’intérêt de savoir vivre l’instant présent, on me remonte parfois les bretelles en me disant « l’instant présent, l’instant présent... et l’instant d’après, alors ? et l’instant d’avant ? ça compte pour du beurre, notre passé et notre futur ? »
Non, c’est important aussi ! Tout est important, le présent, le passé, le futur ! Mais ce qui est précieux, c’est la liberté de mouvement, c’est de pouvoir naviguer librement dans ces trois temps psychologiques, et de ne rester durablement prisonnier d’aucun. Vivre au présent est capital, mais c’est bon, aussi, de faire des projets et d’avoir des espérances. Et c’est bon, enfin, d’avoir des regrets et même de la nostalgie !
La nostalgie est le mélange en nous de la douceur et de la douleur des souvenirs, elle mêle l’agréable - on se souvient des beaux instants - et le désagréable - on est triste que ces moments soient passés. La nostalgie n’est pas une simple émotion, elle est un état d’âme subtil, mêlant les sensations, les images, les pensées, liées à l’évocation de notre passé, où bonheur et malheur se trouvent harmonieusement mêlés, comme dans la vraie vie. L’état d’âme de nostalgie est un phénomène très intime et très personnel, c’est pourquoi aucune nostalgie ne ressemble à une autre.
Il y a par exemple des personnes, dont je fais partie, qui sont capables de ressentir de la nostalgie même pour des époques qu’elles n’ont jamais vécues, des lieux où elles ne se sont jamais rendues, des personnes qu’elles n’ont jamais rencontrées, des musiques qui existaient avant même qu’elles ne soient nées...
Par exemple, si les Trois petites notes de musique, fredonnnées par Yves Montand, vous rendent nostalgique alors que vous n'étiez même pas né(e) lorsqu'il les chantait, alors c'est que vous êtes doué(e) pour la nostalgie !
Pendant longtemps, on a considéré que la nostalgie était à éviter, qu’elle représentait une forme de tristesse et de mélancolie pouvant s’avérer problématique.
Mais les travaux récents en psychologie des émotions tendent à la réhabiliter : chez la plupart des personnes, elle entraîne des ressentis plutôt agréables, elle aide à se sentir moins seul, elle joue un rôle important dans le sentiment d’identité personnelle, en établissant une continuité entre passé et présent.
Il est précieux de laisser régulièrement naître en nous la nostalgie, et sans doute précieux aussi d’apprendre à la fréquenter et à la savourer : elle est délicieuse si elle est transitoire, mais dangereuse si on s’y éternise, surtout si on a un tempérament mélancolique, voire dépressif.
La question, finalement, c’est : vers quoi nous pousse la nostalgie ?
Saint-Exupéry la définit comme « le désir d'on ne sait quoi ». Ce flou est son charme et son péril.
Si la nostalgie nous pousse aux regrets répétés, attention, danger ! Mais si nous comprenons son message : « ce qui compte dans ta vie, c’est le bonheur » et si nous sommes attentifs à son visage lumineux, et pas seulement douloureux, alors nous pourrons, grâce à elle, revenir vers le présent : « ma vie, c’est aussi ici et maintenant », et vers l’action : « je veux vivre de nouveaux instants heureux ».
Car nos bons souvenirs de demain, c’est aujourd’hui que nous les vivons…
Et vous, sur quoi portaient vos derniers moments de nostalgie ?
Illustration : je me demande bien ce que sont devenus cette petite fille et son cow-boy de frère ?
PS : ce texte est inspiré de ma chronique de l'émission "Grand Bien Vous Fasse" du mardi 3 mars 2020, sur France Inter.