Parfois,
je repense à tous ces traqueuses et traqueurs excessifs, que nous avons
soigné dans le service à Sainte-Anne, pendant des années…
Quand
il prend de l’intensité, le trac peut devenir un handicap, on parle alors d’anxiété
de performance. Ça ne concerne plus seulement le fait de monter sur une scène,
mais ça va empêcher de prendre la parole lors d’une réunion de parents d’élèves,
d’une fête familiale, d’un tour de table au travail…
Ah, le tour de table ! C’est le cauchemar pour les traqueurs : on attend son tour, et pendant ce temps, le malaise monte, monte, le cœur cogne, cogne, de plus en plus fort, on se décompose, on panique, c’est le cauchemar ! Car pour le trac, le pire moment c’est avant, c’est l’attente du grand saut dans le vide…
Comme
beaucoup de monde, j’ai longtemps eu le trac : à l’école je n’aimais pas
du tout passer au tableau, mais mon pire souvenir a été le premier congrès
médical où j’ai dû prendre la parole. C’était à Barcelone, alors que j’étais
jeune interne. J’ai fait toute ma communication en apesanteur, avec le cœur à
200 battements minute, l’impression d’avoir les pieds au plafond et la tête à l’envers,
et en me demandant à chaque fois si j’allais pouvoir prononcer la phrase
suivante de mon topo…
Cette
panique du corps qui provoque une panique de l’esprit, c’est la marque du
trac : affolement partout, dans la tête et dans le cœur : boum, boum, boum…
C’est
très pénible, le trac, mais il y a tout de même des messages d’espoir, comme on
dit.
D’abord,
le fait qu’on n’est pas tout seul. Les études montrent qu’environ 1/3 de la
population ressent un trac important, et donc évite systématiquement de prendre
la parole devant un public. Ça veut dire que si vous avez le trac, environ 30%
des gens qui vous écoutent sont des sympathisants !
Ensuite,
le fait qu’on peut progresser.
Le
trac, c’est une histoire d’entraînement, les comportementalistes disent qu’il
faut s’exposer, régulièrement, aux situations qui nous stressent, en le faisant
progressivement, en commençant par des prises de parole faciles, devant des
publics bienveillants, puis en répétant inlassablement les occasions d’être au
centre des regards. Parfois, il faut pour cela rejoindre un groupe de thérapie,
un club de théâtre, ou même des clubs de traqueurs, ça existe !
Important
aussi de lâcher son perfectionnisme (car on n’a pas à faire une intervention
parfaite) et son désir de masquer à tout prix son émotivité (car on peut faire
un bon speech tout en montrant des signes de trac).
Et
peu à peu, on verra le trac reculer, devenir tolérable, et le plaisir à
communiquer l’emporter. On sentira que le stress de la prise de parole en
public ne se transforme plus en trac paralysant mais en énergie stimulante.
Et
vous, est-ce que vous ressentez la montée du trac quand tous les regards se
tournent vers vous et attendent que vous commenciez à parler ? Ou juste de la
bonne énergie, joyeuse et curieuse ?
Illustration : dans le trac, on se sent pris pour
cible des regards et des jugements (illustration de l'ami Muzo, extraite de
notre livre Petites angoisses et grosses phobies)...
PS : ce texte reprend ma chronique du 19 septembre 2017,
dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse",
tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.