jeudi 23 novembre 2017

Prendre sa retraite



Je pensais l'autre jour à notre président de la République, Emmanuel Macron : si par hasard il n’est pas réélu, il sera à la retraite à 45 ans. Et je me suis dit que s’il se met alors à faire du bénévolat, comme beaucoup de retraités, avec la même énergie que celle avec laquelle il conduit sa carrière professionnelle et politique, ça va dépoter dans les associations dont il sera membre ! 

Puis j'ai songé à ma propre retraite...

Eh oui, ça approche, l’air de rien ! Mais cette perspective me met plutôt en joie. Comme beaucoup de personnes, je vois dans la retraite une sorte de Terre Promise, où me sera offert ce qui me manque le plus : du temps pour faire ce que j’aime ! 

Lire tous les livres que j’ai achetés et accumulés, sans avoir un moment pour les savourer ; aller rendre visite à tous mes vieux copains aux 4 coins de France, et passer du temps avec eux ; traîner, peut-être m’ennuyer un peu, ne plus être réveillé le matin avec dans ma tête la liste de toutes les choses à faire dans la journée ; et puis, avoir le temps de la non-action, le temps de la présence au monde sans pressions ni attentes ni objectifs.

Bref, j’ai une vision joyeuse et positive de la retraite. Tant mieux d’ailleurs, car toutes les études montrent que cette vision prédit souvent que les choses vont bien se passer, et que les personnes qui ont un regard négatif sur le fait de vieillir, vieillissent en général moins bien.

Mais bien sûr, cette perspective de bonheur à venir est teintée d’un filet de nostalgie, car tout de même, quand on achète sa première carte Senior à la SNCF pour bénéficier des tarifs 3ème âge, ce n’est pas de nos jeunes années qu’on se rapproche.

Mais finalement, nos plus belles émotions sont ainsi constituées : beaucoup de positif et un filet de négatif, qui en rehausse la saveur, comme les épices dans la cuisine. Ainsi, ce bonheur de la plupart des retraités, et qui est attesté par les études, est un bonheur complexe, subtil, avec un petit arrière plan nostalgique et mélancolique, un peu douloureux parfois, qui en fait toute la beauté et la profondeur.

Et puis, il y a aussi dans mon cas une obsession personnelle ancienne.

Il me tarde d’être à la retraite parce que je vais peut-être lever le voile sur une énigme qui me fascine depuis de nombreuses années : pourquoi tant de retraités s’obstinent-ils (ou elles) à venir faire la queue à la Poste, ou au marché, ou dans les magasins, le samedi matin ou en semaine après 18h ? Allongeant ainsi les files d’attente, faisant s’agacer les actifs derrière eux, qui se disent : « mais ils ne pourraient pas faire leurs courses et leurs démarches administratives en semaine, ou dans la journée, pendant que nous on est au boulot ? »

Une fois retraité, je vais enfin - enfin ! - savoir pourquoi ! Pourquoi quand on est retraité, on s’obstine à emboliser les files d’attente aux moments où elles sont les plus longues ! Ça m’ennuierait beaucoup de mourir avant d’avoir compris cela, de l’intérieur…

Et vous, vous en pensez quoi de la retraite ?

Illustration : retraité actif (Picasso dans son atelier, en 1955, à l'âge de 74 ans).

PS : ce texte reprend ma chronique du 27 juin 2017, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.