mercredi 4 septembre 2019

Sans amour, on n’est rien du tout…




Plus jeune, je jouais de l’accordéon dans un groupe de rock alternatif. Bon, je vous précise tout de suite que ce n’était pas un groupe connu, et que je jouais très mal. Tellement mal que je me suis fais virer par les copains d’ailleurs, gentiment mais fermement. Heureusement que j’ai été ensuite un peu moins mauvais comme médecin que comme musicien !

En tout cas, un de nos tubes en concert, c’était l’adaptation d’une vieille chanson des années 50, La Goualante du Pauvre Jean, dont nous reprenions, beuglant tous en chœur, le refrain à haute portée métaphysique. Écoutez plutôt…

« Sans amour, on n’est rien du tout – Aimez-vous ! » Qui oserait contester ce rappel à l’ordre de l’Amour si est nécessaire à une vie humaine ? Sans amour, les petits enfants ne peuvent grandir correctement, ni corps ni âme. Sans amour, les grands enfants que restent toute leur vie les adultes, ne peuvent vivre et mourir pleinement heureux. 

Alors, chanter « Sans amour, on n’est rien du tout – Aimez-vous ! », ce n’est pas seulement de la  philosophie à la petite semaine. Cela fait partie de ce que les philosophes appellent les « grandes platitudes », ces sentences de sagesse de tous temps et de tous lieux, qui nous expliquent en quoi consistent l’amour, le bonheur, la sérénité, le sens de la vie… où les chercher, comment s’en rapprocher... Cela semble toujours évident, bien sûr – d’où le terme de « platitude » - mais ce qui est moins évident c’est de les appliquer.

Écoutez ce qu’en disait Schopenhauer : « D’une manière générale, il est vrai que les sages de tous les temps ont toujours dit la même chose, et les sots, c’est-à-dire l’immense majorité de tous les temps, ont toujours fait la même chose, à savoir le contraire, et il en sera toujours ainsi. » Alors, quand les sages nous répètent « aimez-vous ! » qu’entendons-nous ? Et qu’en faisons-nous chaque jour ?

Et puis, quand on dit : « Sans amour, on n’est rien du tout », de quel amour parle-t-on ? De celui qu’on reçoit ou de celui qu’on donne ? De celui qui aliène ou de celui qui libère ? De celui qui rend malade ou de celui qui rend léger ? 

Autre souci, comme à chaque fois qu’on parle d’amour ou de bonheur : est-ce qu’on ne prend pas le risque de peiner les personnes qui en manquent, à cet instant. Parler d’amour, c’est rendre plus douloureuse encore son absence. Et parler du Grand Amour, avec des majuscules, c’est aussi angoisser celles et ceux qui ne l’ont pas trouvé, comme dans ces vers de Guillaume Apollinaire : « L’angoisse de l’amour te serre le gosier / Comme si tu ne devais jamais plus être aimé… »

Desserrez vos gosiers, les inquiètes et les inquiets ! Car cet amour indispensable aux humains, ce n’est pas seulement l’Amour romantique, qui est une forme d’idéal, compliqué à rencontrer et plus encore à faire durer, mais c’est l’amour sous tous ses visages et tous ses noms : affection, bienveillance, sympathie, générosité, appartenance, solidarité, amitié, camaraderie, fraternité, tendresse…

Tous ces moments et tous ces liens où l’on donne autant ou plus qu’on ne reçoit. C’est cet amour-là, avec un petit « a », c’est sa petite musique au quotidien qui nous est indispensable et qui nous aide à vivre joyeusement, dans l’attente éventuelle de l’autre Amour, celui avec son grand « A » et ses fracas symphoniques…

Aimons-nous donc, mais de toutes les façons, et dans toutes les positions, je veux dire dans toutes les situations du quotidien…

Et vous, quelle forme d’amour cultivez-vous le plus jour après jour ?


Illustration : l'amour sur le mur, par Toqué Frères.

PS : ce texte reprend ma chronique du 25 juin 2019 sur France Inter dans l'émission Grand Bien Vous Fasse, d'Ali Rebeihi.