mercredi 28 mars 2018

Le partage des tâches ménagères





Il y a très très longtemps, en l’an 1994 du siècle dernier, une grande enquête avait été conduite à propos de la vie de famille telle que représentée dans les livres pour enfants en France. Ce n’était pas brillant !

Les couvertures et les titres des albums impliquaient dans 3/4 des cas un personnage masculin contre 1/4 seulement un personnage féminin. Les hommes étaient montrés deux fois plus souvent au travail que les femmes. Les pères et les mères s’occupaient deux fois plus de leur fils que de leur fille. 

Et la situation était encore plus nette dans les histoires, prisées par les tout-petits, mettant en scène des animaux humanisés : c'est là que les clichés sexistes étaient les plus fréquents, les familles Ours ou Lapin s'avérant nettement plus traditionalistes que les familles humaines : Papa ours toujours dans son fauteuil devant la télé, et Maman ours à la vaisselle ou aux fourneaux. Comme dans la blague stupide : « Ma chérie, les tâches sont tellement bien réparties entre nous : tu détestes le foot alors c’est moi qui le regarde ; je n’aime pas la vaisselle, alors c’est toi qui la fait… » Ah, ces ours…

Mais tout de même, à l’époque, ça m’avait sacrément ouvert les yeux, cette étude. Peu après, je devenais père de trois filles, et du coup je me sentais très concerné par cette question du partage des tâches, comme dans la chanson de Trénet : Papa pique et Maman coud...

C’est beau, hein ? Papa pique et Maman coud ; et puis après avoir piqué et cousu on imagine que Papa et Maman vont ensuite aller, ensemble, faire les courses et cuisiner, dans une parfait égalité des tâches.

Mais hélas, les choses n’ont pas évolué aussi vite que je l’imaginais : 25 ans après l’étude de 1994 dont je vous parlais, une recherche récente, conduite entre 2008 et 2015, montrait que peu de choses avaient bougé, par exemple dans les livres scolaires. Quelques chiffres :
-       dans les manuels de CP, sur plus de 13.000 personnages présents dans les ouvrages  épluchés par les deux auteures du rapport, seulement 1/3 de femmes ;
-       parmi les personnages exerçant des métiers scientifiques, 96,6% d'hommes ;
-       2 fois plus de de sportifs
que de sportives, 2 fois plus de rois que de reines ;  
-       par contre, 97,7% de sorcières pour 2,3% de sorciers ;
-       la majorité des filles jouent dedans et les garçons dehors, etc.

En matière d’éducation au changement, nous avons encore des progrès à faire…

Enfin… L’autre dimanche, je réfléchissais à ça en sortant les poubelles sous la pluie, après avoir débouché un siphon, être grimpé sur le toit pour enlever les feuilles mortes des gouttières, mis à jour tout un tas de paperasse administrative, et fait le marché, puis la cuisine…

 Je n’avais pas du tout l’impression d’être Papa ours. Et je me disais : « allez, c’est peut-être bon signe, que tu aies envie de te plaindre ! Ça veut peut-être dire que le partage des tâches est en route dans ta famille… » (en vrai, j’avais aussi une autre hypothèse : « Ça veut peut-être dire aussi que tu es une bonne poire et que tu en fais trop » ; hum, j’espère que ma femme ne va pas lire ce papier…).

Et vous, vous êtes attentives ou attentifs à ces histoires de partage des tâches entre hommes et femmes ?


Illustration : Papa n'a pas le temps, de Philippe Corentin.

PS : ce texte reprend ma chronique du 2 janvier 2018, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.